Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 22, 1845.djvu/149

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— C’est très-généreux de votre part, major, dit-il ; j’aime à voir faire convenablement les choses, et il n’y a rien à dire ; mais rengainez votre argent, nous vous avons la même reconnaissance que si nous l’avions empoché ; ainsi, n’en parlons plus, le compte est balancé. Je voudrais seulement vous dire, pour prévenir toute méprise, attendu que l’autre idée pourrait nous faire presser, ce qui ne nous irait pas, que nous sommes l’un et l’autre nés natifs des États-Unis.

— Des États-Unis ! répéta le major en se redressant avec quelque raideur ; alors, jeune homme, ajouta-t-il en se tournant de mon côté, et en me présentant les billets de banque dont il paraissait alors aussi pressé de se débarrasser qu’il y semblait peu disposé dans le principe ; — vous ne refuserez pas ce léger témoignage de ma reconnaissance.

— Impossible, Monsieur, répondis-je avec respect ; nous ne sommes pas précisément ce que nous paraissons être, et les apparences vous trompent. Nous sommes les deux premiers officiers d’un bâtiment porteur de lettres de marque.

À ce mot d’officiers, le major retira sa main et s’empressa de nous faire des excuses ; il ne nous comprenait pas bien encore, je le voyais clairement ; mais du moins il avait assez de sagacité pour comprendre que nous n’accepterions pas d’argent. Il nous invita à nous asseoir, et la conversation continua.

— Maître Miles que voilà, reprit M. Marbre, a un domaine, appelé Clawbonny, sur les bords de l’Hudson, et il pourrait rester bien tranquillement chez lui à étudier le droit ou à faucher ses foins ; mais quand le coq chante, le poulet veut chanter aussi. Son père a été marin, et voilà !

Cette annonce de ma position à terre ne me fit pas mal, et je pus remarquer un changement dans les manières de toute la famille, non pas qu’on m’eût traité avec dédain, ou même avec froideur ; mais maintenant toute distance entre nous avait disparu. Je restai une heure avec les Mertons, et je promis de revenir avant de quitter l’Angleterre. C’est ce que je fis plus de douze fois, et le major, reconnaissant sans doute que j’étais un peu mieux élevé qu’il ne l’avait supposé d’abord, me fournit les moyens de voir Londres sous un aspect plus favorable. J’accompagnai la famille aux deux grands théâtres ; j’avais eu soin de me faire habiller à neuf des pieds à la tête ; et Émilie sourit la première fois qu’elle me vit dans mon nouveau costume, et je crus même qu’elle rougissait. C’était une jolie créature : douce et timide dans ses manières habituelles, mais au