Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 22, 1845.djvu/178

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHAPITRE XIII.


Cet esprit despotique, cette volonté de fer, ce pouvoir presque divin, cet art de Napoléon, d’attirer, de fasciner, de manier les cœurs de millions d’hommes jusqu’à ce qu’ils ne fassent plus qu’un, tu l’as plus que personne.
Halleck.


L’Échalas et le Plongeur se conduisirent admirablement tout le jour suivant. Le bœuf, le porc et le pain, ces grandes nécessités de la vie, que les Européens considèrent volontiers comme le premier mobile de l’existence aux États-Unis, semblaient absorber toutes leurs pensées, et, quand ils ne mangeaient pas, ils étaient occupés à dormir. Nous nous fatiguâmes à la fin d’observer de pareils animaux, et nous tournâmes nos pensées vers d’autres sujets. Le Plongeur nous avait fait entendre qu’il devait s’écouler quarante-huit heures avant que nous vissions arriver de nouvelles peaux, et le capitaine Williams, passant de l’alarme à une extrême sécurité, se décida à profiter d’un aussi beau jour pour amener ou plutôt pour dégréer les trois mâts de hune, et pour remettre en état leur gréement. En conséquence, à neuf heures, tout le monde se mit à l’ouvrage, et, avant midi, le navire était tout à fait en déshabillé. Nous envoyâmes sur le pont le moins de choses possible, conservant même les vergues de hune, bien que sans bras ni balancines, en les assujettissant contre la hune, mais les mâts furent amenés aussi bas qu’on le put, sans que les basses vergues allassent toucher les bastingages. En un mot, nous annulâmes complètement nos moyens d’appareillage, sans toutefois encombrer le pont. La sûreté du havre et l’extrême beauté du temps avaient encouragé le capitaine à ordonner cette manœuvre, les appréhensions de toute nature semblant avoir complètement disparu de son esprit.

On travailla avec ardeur ; notre équipage n’était pas seulement robuste, il était intelligent, et nos Philadelphiens étaient dans leur élément, dès qu’il s’agissait de gréement. Au coucher du soleil, on examina avec soin les avaries des cordages, dont toutes les garnitures furent refaites à neuf ; le gréement du mât de hune fut mis en état et replacé sur le mât, et tout fut disposé pour hisser la mâture le lendemain matin ; mais un jour d’activité aussi extraordinaire exigeait une bonne nuit de repos, et tout l’équipage reçut l’ordre de se retirer immédiatement après le souper. Le navire devait être confié, pendant la nuit, à la vigilance du capitaine et des trois lieutenants.

Le quart fut établi à huit heures, pour être relevé de deux heures