Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 22, 1845.djvu/216

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CHAPITRE XVI.


L’air frais du matin agite tes cheveux ; les vagues dansent gaiement sous ses yeux ; l’oiseau de mer appelle, tourne et rase l’eau ; l’aurore se lève radieuse ; mais il n’entend pas ces chants joyeux ; il ne voit pas les vagues, il ne sent pas la brise.
Danx.


La réalité est parfois plus étrange que la fiction. C’est ce que démontreraient encore, s’il en était besoin, les circonstances qui nous firent tomber au pouvoir de nos ennemis. La Pauline était un bâtiment de six cents tonneaux, qui portait des lettres de marque du gouvernement français ; elle avait appareillé de France quelques semaines après notre départ de Londres, pour une destination à peu près semblable à la nôtre, quoique ce ne fussent ni les peaux de loutre de mer ni le bois de sandal ni les perles qui fussent les objets de commerce qu’elle eût en vue. Elle avait d’abord été aux îles françaises à la hauteur de Madagascar, où elle avait laissé une partie de sa cargaison, et pris en retour quelques objets de valeur. Elle s’était rendue de là aux îles Philippines, suivant à la piste des bâtiments de commerce anglais et américains, en capturant deux des premiers, et les coulant bas après avoir pris dans leurs cargaisons ce qui était à sa convenance. De Manille, la Pauline gouverna vers la côte de l’Amérique du Sud, comptant laisser dans cette partie du monde, en échange de bon métal, certains articles apportés de France, d’autres achetés à Bourbon, à l’Île de France, aux Philippines, et diverses caisses et ballots trouvés dans les cales de ses prises. Pour effectuer tout cela, M. Le Compte, son commandant, comptait d’abord sur la vitesse remarquable de son bâtiment, ensuite sur son audace et sa dextérité peu commune, et enfin sur le penchant bien connu des Américains du Sud pour la contrebande. Les doublons et les dollars ne prenant que peu de place, il réservait la plus grande partie de l’intérieur de son navire, après son trafic sur l’Océan, pour la récolte qu’il pourrait faire à bord des six ou huit prises sur lesquelles il comptait, — et il se trompait rarement dans son calcul, — après être passé à l’est du cap Horn. Toutes ces espérances avaient été réalisées jusqu’à une époque de trois mois, jour pour jour, avant notre arrivée dans cette malheureuse île.

Dans la nuit du jour en question, la Pauline, sans soupçonner en aucune manière le voisinage du moindre danger, courant au plus près avec un peu de largue dans ses voiles, sans beaucoup de mer,