Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/12

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rien de commun avec l’humanité, cette grande vertu du christianisme, dont ils se prétendent pourtant des membres si zélés.

Mon grand-père était de la vieille souche, et il partageait peu ces jalousies d’État à État. Il habitait New-York depuis son enfance, il s’était marié à New-York, et il n’affichait pas ces prétentions outrecuidantes à la supériorité, que nous rencontrons quelquefois dans les Anglais pur sang ; quoique je me rappelle très-bien des occasions où il signalait des défauts dans notre civilisation. et d’autres où il s’étendait avec complaisance sur la grandeur et sur la puissance de son île. Tout cela était naturel, car il n’est presque personne parmi nous qui soit disposé à contester la suprématie de l’Angleterre.

Je me souviens d’un voyage que le capitaine Hugh Littlepage fit à Boston, en 1745, pour voir les préparatifs qui se faisaient pour la grande expédition. Quoique, au point de vue militaire, sa colonie n’eût aucune part à cette entreprise, son expérience faisait rechercher sa société par les officiers qui étaient alors assemblés sur les côtes de la Nouvelle-Angleterre. On a dit que l’expédition contre Louisbourg avait été conçue par un avocat, dirigée par un négociant, et exécutée par des artisans et des ouvriers. Cela est vrai en principe ; mais, comme à toute règle, il y eut des exceptions. Il y avait beaucoup de vieux militaires qui avaient servi sur le continent dans les guerres antérieures, et mon grand-père en avait connu plusieurs. Ce fut avec eux qu’il passa bien des heures délicieuses avant l’embarquement, et j’ai souvent pensé depuis que ma présence seule l’empêcha de partir avec eux. Le lecteur trouvera sans doute que j’étais bien jeune pour avoir entrepris un si long voyage, mais en voici la raison. Je venais d’avoir la petite vérole ; le médecin avait déclaré qu’un changement d’air me ferait du bien, et mon excellente mère avait décidé son beau-père à m’emmener avec lui, quand il était parti pour Boston dans l’hiver de 1744.

Les choses que je vis alors eurent une influence matérielle sur toute ma vie. Je pris le goût des aventures, et surtout des entreprises militaires. Mon grand-père rencontra à Boston un de ses anciens compagnons d’armes, qui était venu aussi pour voir les préparatifs, et ils ne se quittèrent presque plus. Le major Hight