Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/9

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que j’ai entendu dire à des vieillards, avec honneur. Un jour, entre autres, mon père fit un discours, qu’il mit onze minutes à débiter, preuve certaine qu’il avait quelque chose à dire ; et ce fut un sujet de grande mais innocente joie pour toute la famille jusqu’au jour de sa mort, et même longtemps après.

Ce qui ajoutait beaucoup à notre considération, c’étaient les services militaires de la famille. C’était quelque chose alors d’être enseigne même dans la milice, à bien plus forte raison d’avoir le même grade dans l’armée régulière. Il est vrai qu’aucun de nos ancêtres n’avait servi longtemps dans les troupes de Sa Majesté ; mon père avait vendu son brevet à la fin de sa seconde campagne ; mais l’expérience militaire, et, je puis ajouter, la gloire qu’ils avaient acquise, quoique si jeunes, leur furent utiles pour tout le reste de leur vie. Ils furent nommés officiers dans la milice ; mon père s’éleva jusqu’au grade de major, grade qu’il conserva pendant les quinze dernières années de sa vie.

Ma mère était d’origine hollandaise des deux côtés ; son père était un Blauvett, et sa mère une Van-Busser. J’ai entendu dire qu’il y avait eu des alliances entre les Van-Cortland et les Van-Busser ; mais je ne saurais préciser à quel degré, et je dois même présumer que ce n’était pas à un degré très-rapproché ; autrement mes renseignements auraient été plus exacts. Ma mère avait apporté à mon père une fortune de treize cents livres, ce qui était une jolie dot en 1733. Je sais très-bien qu’aujourd’hui c’est par six, huit, dix mille livres, et même plus, que l’on compte dans les grandes familles ; mais quiconque se reporte à cinquante ans en arrière, et trouve que sa mère a apporté mille livres à son mari, n’a nullement à rougir.

Je n’étais ni fils unique, ni même fils aîné. Un frère m’avait précédé, deux sœurs me suivirent ; mais tous moururent très-jeunes. Mon petit frère vécut pourtant assez pour me prendre le nom d’Évans, et je reçus le nom hollandais de mon grand-père maternel, qui s’appelait Cornelius. Corny fut donc le diminutif par lequel m’appelèrent tous les blancs de ma connaissance pendant les seize à dix-huit premières années de ma vie, et mes parents, tant qu’ils vécurent. Corny Littlepage n’est pas en soi-même un trop vilain nom, et j’espère que ceux qui me feront