Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 28, 1850.djvu/30

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

orientale de ce comté, que la peinture d’une prairie couverte de froment pourrait en faire sur l’esprit d’un Wolverine ou d’un Buckeye, ou qu’un compte d’intérêts à tant pour cent en produit sur les sentiments d’un courtier de Wall-Street à New-York. Jamais l’amour de Mammon ne s’était emparé du cœur du diacre avec un tel despotisme. L’histoire du trésor, que Dagget lui redit encore, avec les développements les plus complets, lui faisait à peine une aussi vive impression que les explications données par Dagget sur le nombre et la grosseur des veaux marins.

Dagget ne cachait rien au diacre, à part les latitudes et les longitudes. Toute l’habileté du diacre, et elle était grande, ne put parvenir à arracher au marin ces données sans lesquelles toutes les autres étaient inutiles ; et le vieillard gagna une fièvre presque aussi forte que celle de Dagget pour se rendre maître du secret mais ce fut en vain.

C’était l’heure où le malade était sujet à un redoublement de fièvre, on peut dire que son pouls galopait en ce moment ; il s’était beaucoup animé lui-même, et l’imprudence avec laquelle ils avaient livré leurs cœurs à l’image séduisante de la fortune contribua beaucoup à augmenter le mal. Enfin la fatigue et l’épuisement mirent un terme à une scène qui devenait trop dramatique pour n’être pas révoltante.

Le diacre lui-même, en revenant chez lui, le soir, savait bien que son esprit n’était point dans l’état où il aurait du se trouver le jour du Seigneur, et il craignit de rencontrer le regard tranquille de sa nièce, dont la piété était aussi simple que sincère. Au lieu d’aller la rejoindre et de s’unir aux prières qu’on faisait à cette heure dans la maison, il se promena dans le verger voisin jusqu’à une heure très-avancée. Mammon prenait dans son cœur la place de la Divinité, et l’habitude lui opposait une trop forte barrière pour qu’il osât ouvertement mettre l’idole en présence du vrai Dieu.