Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/100

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— Ah ! ce pirate s’est fait une fameuse réputation depuis l’affaire de Flambourgh-Head. Mais qu’il prenne garde d’entreprendre une seconde expédition de Whitehaven, tant qu’il y aura dans les environs un détachement de mon régiment, quand même il ne serait composé que de recrues.

— Les dernières nouvelles le laissent à la cour de France ; mais il y a des hommes aussi désespérés que lui qui voguent sur l’Océan sous le pavillon des rebelles, et il y en à deux dont nous avons tout à craindre, pour de bonnes raisons. Ce sont eux qui, comme nous l’espérons, ont péri pendant cet ouragan.

— Oui-da ! j’espère donc que c’étaient des poltrons, sans quoi notre espérance serait peu chrétienne, et…

Il fut interrompu par le bruit de la porte qui s’ouvrait. Un sous-officier entra et lui annonça, avec un laconisme militaire, qu’une sentinelle venait d’arrêter trois hommes qui passaient sur la grande route, près de l’abbaye, et qui, d’après leur costume, paraissaient être des marins.

— Eh bien ! laissez-les passer, s’écria le capitaine ; n’avons nous rien de mieux à faire que d’arrêter ceux qui voyagent sur le chemin du roi ? Faites boire à ces drôles un coup de votre cantine, et renvoyez-les. Votre consigne était de donner l’alarme si quelque débarquement hostile s’effectuait, et non d’empêcher les sujets du roi d’aller à leurs affaires.

— Je vous demande pardon, mon capitaine, répondit le sergent ; mais ces gens-là rôdaient dans les environs depuis plus d’une demi-heure. Ils ont attendu la nuit pour s’approcher du poste, et Downing, les regardant comme suspects, a cru devoir les arrêter.

— Downing est un sot, et il pourra lui en coûter cher pour sa sottise. Et qu’avez-vous fait de ces trois hommes ?

— Je les ai conduits au corps-de-garde, dans l’aile du côté de l’orient.

— Eh bien ! donnez-leur à manger, et à boire surtout, entendez-vous, drôle ? afin qu’ils ne fassent pas de plaintes, et renvoyez-les ensuite.

— Oui, mon capitaine, vous serez obéi. Mais c’est qu’il y en a un des trois qui à la taille si droite et l’air si militaire, que je crois que nous pourrions l’engager à s’enrôler, si nous le gardions seulement jusqu’à demain matin. Je crois même à sa marche qu’il a déjà servi.