Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/142

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Un moment de silence s’ensuivit. La sentinelle ne savait que dire, et elle était inquiète du résultat de cette affaire. Enfin sa voix se fit entendre.

— Je croyais que vous vouliez parler à celui qui porte une cravate noire, mon capitaine, et j’ai laissé les deux autres clefs par terre au bout du corridor ; mais…

— Mais ? mais quoi, drôle ? une sentinelle doit toujours porter ses clefs sur elle comme un geôlier. Allons, marchez, et ouvrez-moi la porte de celui qui fait si bien demi-tour à droite.

Le cœur de Catherine commença à battre moins vivement, et elle dit à sa cousine :

C’est Borroughcliffe ; heureusement il a trop bu pour voir que la clef est à la porte. Mais que faire ? Nous n’avons qu’un instant pour délibérer.

— Dès que le jour paraîtra, dit Cécile à Griffith avec vivacité, je vous enverrai ma femme de chambre sous prétexte de vous faire porter de la nourriture, et…

— Il ne faut courir aucun risque pour vouloir nous mettre en sûreté, dit Griffith. Je crois qu’on nous rendra la liberté demain matin, et si l’on voulait nous retenir, Barnstable, qui n’est pas bien loin, a une force suffisante pour faire fuir vers les quatre points cardinaux ces misérables recrues.

— Ah ! dit Cécile, ce serait provoquer des scènes de sang et d’horreur.

— Paix ! s’écria Catherine ; j’entends des pas qui viennent de ce côté.

On entendit la clef tourner avec précaution dans la serrure ; la porte s’ouvrit sans bruit, et la sentinelle avança la tête dans la chambre.

— Le capitaine Borroughcliffe fait sa ronde, dit-elle à demi-voix ; pour cinquante de vos guinées je ne vous laisserais pas ici un moment de plus.

— Un seul mot ! dit Cécile.

— Pas seulement une syllabe. La dame qui était dans l’autre chambre vous attend. Partez bien vite, et par pitié pour un pauvre diable, retournez d’où vous êtes venues.

Il eût été dangereux d’insister. Elles sortirent, et Cécile dit à Griffith en quittant la chambre :

— Je vous enverrai de la nourriture ce matin de bonne heure,