Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/87

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de rangs, aurait dû suivre le midshipman. Mais le pilote, appuyé sur le bord du vaisseau, examinait l’aspect du firmament, et ne fit aucune attention aux regards du capitaine.

— Nous vous attendons, monsieur Gray, dit le capitaine avec un accent d’impatience.

Le pilote sortit de sa rêverie en entendant prononcer son nom ; mais au lieu de s’avancer vers les officiers qui l’attendaient, il se contenta de faire un signe de main, comme pour leur dire qu’ils pouvaient descendre avant lui. Au grand étonnement non seulement du capitaine Manuel, mais de tous ceux qui furent témoins de cette infraction aux règles de la discipline navale, Griffith salua le pilote et descendit dans le cutter avec la même déférence que s’il eût précédé un amiral. Soit que le pilote s’aperçût lui-même de son manque de courtoisie, soit qu’il fût trop occupé de ses secrètes pensées pour faire attention à ce qui se passait autour de lui, il suivit immédiatement le lieutenant, laissant au capitaine le poste d’honneur. Manuel, qui se piquait d’être parfaitement au fait de tout ce qui concernait l’étiquette navale ou militaire, ne manqua pas de faire ses excuses à Griffith d’avoir laissé passer avant lui son officier supérieur ; mais toutes les fois qu’il parla ensuite de cette aventure, il ne manqua jamais d’appuyer avec un air de triomphe sur la manière dont il avait humilié l’orgueil du présomptueux pilote.

Barnstable, retourné sur son bord quelques heures auparavant, avait tout préparé pour la réception de ses nouveaux hôtes, et, dès qu’on eut placé le cutter sur le pont du schooner, il annonça que tout était prêt pour mettre à la voile.

Nous avons déjà dit que l’Ariel était de la classe des plus petits vaisseaux de guerre, et sa construction semblait encore en diminuer la grandeur. Il convenait donc on ne peut mieux au genre de service auquel il allait être employé. Quoique sa légèreté le fît flotter sur l’eau comme un navire de liége et qu’il semblât quelquefois voguer sur l’écume de la mer, son pont, fort bas, était continuellement balayé par les vagues toutes les fois qu’elles s’élevaient à une certaine hauteur, de manière à obliger les marins les plus exercés à marcher avec précaution. L’ordre et la propreté s’y faisaient remarquer, et tout était disposé de manière à laisser libre le plus d’espace possible, et à ne pas gêner la manœuvre. L’espèce de canon qui, depuis l’époque dont nous parlons, a été