Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/23

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montagnes lointaines situées à l’occident, et lorsque l’obscurité étendit son voile sur la terre en cet endroit retiré, le bruit des préparatifs de départ diminua peu à peu. La dernière lumière s’éteignit enfin sous la tente de quelque officier ; les arbres jetèrent des ombres plus épaisses sur les fortifications et sur la rivière, et il s’établit dans tout le camp un silence aussi profond que celui qui régnait dans la vaste forêt.

Suivant les ordres donnés la soirée précédente, le sommeil de l’armée fut interrompu par le roulement du tambour, que les échos répétèrent, et dont l’air humide du matin porta le bruit de toutes parts jusque dans la forêt, à l’instant où le premier rayon du jour commençait à dessiner la verdure sombre et les formes irrégulières de quelques grands pins du voisinage sur l’azur plus pur de l’horizon oriental. En un instant tout le camp fut en mouvement, jusqu’au dernier soldat ; chacun voulait être témoin du départ de ses camarades, des incidents qui pourraient l’accompagner, et jouir d’un moment d’enthousiasme.

Le détachement choisi fut bientôt en ordre de marche. Les soldats réguliers et soudoyés de la couronne prirent avec fierté la droite de la ligne, tandis que les colons, plus humbles, se rangeaient sur la gauche avec une docilité qu’une longue habitude leur avait rendue facile. Les éclaireurs partirent ; une forte garde précéda et suivit les lourdes voitures qui portaient le bagage ; et dès le point du jour le corps principal des combattants se forma en colonne, et partit du camp avec une apparence de fierté militaire qui servit à assoupir les appréhensions de plus d’un novice qui allait faire ses premières armes. Tant qu’ils furent en vue de leurs camarades, on les vit conserver le même ordre et la même tenue. Enfin le son de leurs fifres s’éloigna peu à peu, et la forêt sembla avoir englouti la masse vivante qui venait d’entrer dans son sein.

La brise avait cessé d’apporter aux oreilles des soldats restés dans le camp le bruit de la marche de la colonne invisible qui s’éloignait ; le dernier des traîneurs avait déjà disparu à leurs yeux ; mais on voyait encore des signes d’un autre départ devant une cabane construite en bois, d’une grandeur peu ordinaire, et devant laquelle étaient en faction des sentinelles connues pour garder la personne du général anglais. Près de là étaient six chevaux caparaçonnés de manière à prouver que deux d’entre eux