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silence, comme si ses pensées eussent été occupées de toute autre chose que de la scène qui l’entourait.


CHAPITRE II


Seule, seule ! Quoi ! seule ?
Shakspeare.


Tandis qu’une des aimables dames dont nous venons d’esquisser le portrait, s’égarait ainsi dans ses pensées, l’autre se remit promptement de la légère alarme qui avait excité son exclamation ; et souriant elle-même de sa faiblesse, elle dit sur le ton du badinage, au jeune officier qui était à son côté :

— Voit-on souvent dans les bois des apparitions de semblables spectres, Heyward ? ou ce spectacle est-il un divertissement spécial qu’on a voulu nous procurer ? En ce dernier cas, la reconnaissance doit nous fermer la bouche ; mais, dans le premier, Cora et moi nous aurons grand besoin de recourir au courage héréditaire que nous nous vantons de posséder, même avant que nous rencontrions le redoutable Montcalm.

— Cet Indien est un coureur de notre armée, répondit le jeune officier auquel elle s’était adressée, et il peut passer pour un héros à la manière de son pays. Il s’est offert pour nous conduire au lac par un sentier peu connu, mais plus court que le chemin que nous serions obligés de prendre en suivant la marche lente d’une colonne de troupes, et par conséquent beaucoup plus agréable.

— Cet homme ne me plaît pas, répondit la jeune dame en tressaillant avec un air de terreur affectée qui en cachait une véritable. Sans doute vous le connaissez bien, Duncan, sans quoi vous ne vous seriez pas si entièrement confié à lui ?

— Dites plutôt, Alice, s’écria Heyward avec feu, que je ne vous aurais pas confiée à lui. Oui, je le connais, ou je ne lui aurais pas accordé ma confiance, et surtout en ce moment. Il est, dit-on, Canadien de naissance, et cependant il a servi avec nos amis les Mohawks qui, comme vous le savez, sont une des six nations