Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/47

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de fusil. — Entendez-vous quelque chose, Chingachgook ? Quant à moi, les bois sont muets pour mes oreilles.

— Il n’y avait qu’un seul daim, et il est mort, répondit l’Indien en se baissant tellement que son oreille touchait presque la terre ; mais j’entends marcher.

— Les loups ont peut-être fait fuir les daims dans les bois, et les poursuivent dans les broussailles.

— Non, non, dit l’Indien en se relevant avec un air de dignité, et en se rasseyant sur la souche avec son calme ordinaire ; ce sont des chevaux d’hommes blancs que j’entends. Ce sont vos frères, Œil-de-Faucon ; vous leur parlerez.

— Sans doute je leur parlerai, et dans un anglais auquel le roi ne serait pas honteux de répondre. Mais je ne vois rien approcher, et je n’entends aucun bruit ni d’hommes ni de chevaux. Il est bien étrange qu’un Indien reconnaisse l’approche d’un blanc plus aisément qu’un homme qui, comme ses ennemis mêmes en conviendront, n’a aucun mélange dans son sang, quoiqu’il ait vécu assez longtemps avec les Peaux-Rouges pour en être soupçonné. — Ah ! j’ai entendu craquer une branche sèche. — Maintenant j’entends remuer les broussailles. — Oui, oui ; je prenais ce bruit pour celui de la chute d’eau. — Mais les voici qui arrivent. — Dieu les garde des Iroquois !


CHAPITRE IV


Va, va ton chemin ; avant que tu sois sorti de ce bois je te ferai payer cet outrage.
ShakspeareLe songe d’une nuit d’été.


Le batteur d’estrade avait à peine prononcé les paroles qui terminent le chapitre précédent, que le chef de ceux dont l’oreille exercée et vigilante de l’Indien avait reconnu l’approche, se montra complètement. Un de ces sentiers pratiqués par les daims lors de leur passage périodique dans les bois, traversait une petite vallée peu éloignée, et aboutissait à la rivière précisément à l’endroit où l’homme blanc et ses deux compagnons rouges s’étaient postés.