Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/49

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bonnes verges de largeur, et je doute fort qu’il y ait une rue aussi large dans tout Londres, pas même le palais du roi.

— Nous ne contesterons ni l’existence ni la bonté de cette route, reprit le premier interlocuteur, en qui nos lecteurs ont sans doute déjà reconnu le major Heyward. Il nous suffira de vous dire que nous nous sommes fiés à un guide indien qui nous avait promis de nous conduire par un sentier plus court, quoique moins large, et que nous avons eu une trop bonne idée de ses connaissances : en un mot, nous ne savons où nous sommes.

— Un Indien qui se perd dans les bois ! s’écria le chasseur en secouant la tête d’un air d’incrédulité ; quand le soleil brûle l’extrême cime des arbres ! quand les rivières remplissent les chutes d’eau ! quand chaque brin de mousse qu’il aperçoit lui dit de quel côté l’étoile du nord brillera pendant la nuit ! Les bois sont remplis de sentiers tracés par les daims pour se rendre sur le bord des rivières, et toutes les troupes d’oies sauvages n’ont pas encore pris leur vol vers le Canada ! il est bien étonnant qu’un Indien se perde entre l’Horican et le coude de la rivière. Est-ce un Mohawk ?

— Il ne l’est point par naissance ; mais il a été adopté dans cette peuplade. Je crois qu’il est né plus avant du côté du nord, et que c’est un de ceux que vous appelez Hurons.

— Oh ! oh ! s’écrièrent les deux Indiens, qui pendant cette conversation étaient restés assis, immobiles, et en apparence indifférents à ce qui se passait, mais qui se levèrent alors avec une vivacité et un air d’intérêt qui prouvaient que la surprise les avait jetés hors de leur réserve habituelle.

— Un Huron ! répéta le chasseur en secouant encore la tête avec un air de méfiance manifeste ; c’est une race de brigands, peu m’importe par qui ils soient adoptés. Puisque vous vous êtes fiés à un homme de cette nation, toute ma surprise c’est que vous n’en ayez pas rencontré d’autres.

— Vous oubliez que je vous ai dit que notre guide est devenu un Mohawk, un de nos amis ; il sert dans notre armée.

— Et moi je vous dis que celui qui est né Mingo mourra Mingo. Un Mohawk ! parlez-moi d’un Delaware ou d’un Mohican pour l’honnêteté ; et quand ils se battent, ce qu’ils ne font pas toujours, puisqu’ils ont souffert que leurs traîtres d’ennemis les Maquas leur donnassent le nom de femmes ; quand ils se battent, dis-je, c’est parmi eux que vous trouverez un vrai guerrier.