Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/51

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avoir à son rang, c’est lui qui vous parle en ce moment, et par conséquent vous ne pouvez voir en lui un ennemi.

Le chasseur regarda Heyward avec un air de surprise, ôta son bonnet, et lui parla d’un ton moins libre qu’auparavant, quoique de manière à laisser apercevoir encore quelques doutes :

— On m’a assuré qu’un détachement devait partir du camp ce matin pour se rendre sur les bords du lac.

— On vous a dit la vérité ; mais j’ai préféré prendre un chemin plus court, me fiant aux connaissances de l’Indien dont je vous ai parlé.

— Qui vous a trompé, qui vous a égaré, et qui vous a ensuite abandonné.

— Il n’a rien fait de tout cela. Du moins il ne m’a pas abandonné, car il est à quelques pas en arrière.

— Je serais charmé de le voir. Si c’est un véritable Iroquois, je puis le dire à son air de corsaire et à la manière dont il est peint.

À ces mots le chasseur passa derrière la jument du maître en psalmodie, dont le poulain profitait de cette halte pour mettre à contribution le lait de sa mère. Il entra dans le sentier, rencontra à quelques pas les deux dames, qui attendaient avec inquiétude le résultat de cette conférence, et qui n’étaient même pas sans appréhension. Un peu plus loin, le coureur indien avait le dos appuyé contre un arbre, et il soutint les regards pénétrants du chasseur avec le plus grand calme, mais d’un air si sombre et si sauvage qu’il suffisait pour inspirer la terreur.

Ayant fini son examen, le chasseur se retira. En repassant près des dames il s’arrêta un instant, comme pour admirer leur beauté, et répondit avec un air de satisfaction manifeste à l’inclination de tête qu’Alice accompagna d’un sourire agréable. En passant près de la jument qui allaitait son poulain, il fit encore une courte pause, cherchant à deviner qui pouvait être celui qui la montait. Enfin il retourna près d’Heyward.

— Un Mingo est un Mingo, lui dit-il en secouant la tête et en parlant avec précaution ; et Dieu l’ayant fait tel, il n’est au pouvoir ni des Mohawks ni d’aucune autre peuplade de le changer. Si nous étions seuls, et que vous voulussiez laisser ce noble coursier à la merci des loups, je pourrais vous conduire moi-même à Édouard en une heure de temps ; car il n’en faudrait pas davan-