Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/103

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d’Élisabeth cherchaient aussi à reconnaître parmi les passants quelques personnes de sa connaissance. Mais les précautions de costumes que le froid exigeait faisaient que toutes paraissaient se ressembler, les hommes étant couverts de grandes redingotes et d’énormes manteaux qui les cachaient de la tête aux pieds, les femmes s’enveloppant soigneusement dans de larges mantes qu’elles serraient autour de leur corps, et ayant la tête enfoncée dans des capuchons doublés en fourrure ; d’ailleurs chacun suivait un sentier pratiqué le long des maisons, dans la neige qui, ayant été rejetée de l’autre côté, formait comme un mur à hauteur d’appui. Une ou deux fois elle crut reconnaître la taille ou la démarche de quelqu’un d’entre eux ; mais avant qu’elle eût le temps de s’assurer si elle ne se trompait pas, la personne aperçue disparaissait derrière un de ces tas de bois amoncelés devant chaque porte. Ce ne fut qu’en tournant le coin de la principale rue, pour entrer dans une autre qui la coupait à angle droit, qu’elle vit une maison et une figure qu’elle reconnut sur-le-champ.

Cette maison, comme nous venons de le dire, formait le coin de la grande rue. L’enseigne annonçait une auberge, et la neige bien battue devant la porte, à force d’être foulée aux pieds, prouvait qu’elle était fréquentée. Le bâtiment n’avait qu’un étage au-dessus du rez-de-chaussée, mais les murs bien peints, les vitres bien nettoyées, et des volets à toutes les fenêtres, lui donnaient un air de supériorité sur toutes les maisons voisines. L’enseigne représentait un cavalier armé d’un sabre et de pistolets, ayant sur la tête un bonnet de peau d’ours, et la clarté de la lune permettait de lire ces mots tracés au bas, en grandes lettres noires assez mal formées : Au Hardi Dragon.

Un homme et une femme sortaient de cette habitation, comme le sleigh passait, devant la porte. Le premier, quoique boiteux, marchait avec une raideur tout à fait militaire, et la femme s’avançait avec un air décidé, et d’un pas qui semblait dire qu’elle s’inquiétait peu de ce qu’elle rencontrait en route. Les rayons de la lune tombant directement sur sa figure pleine, large, et d’un rouge écarlate, faisaient distinguer sa physionomie masculine sous un bonnet garni de mauvaises dentelles et de rubans fanés. Un tel bonnet avait été adopté à dessein pour adoucir un peu la dureté de ses traits. Il était surmonté d’un petit chapeau de soie noire, que la dame n’y avait placé que pour se donner un air d’élé-