Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/121

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

À ces mots, M. Temple donna le bras à sa fille et partit avec ses amis ; Richard, retenant en arrière M. Le Quoi pour lui faire une dissertation sur le plain-chant, et sur la manière dont Benjamin chantait la Baie de Biscaye.

Pendant la conversation précédente, John Mohican était resté assis à la place qu’il avait prise, la tête enveloppée de sa couverture, semblant faire aussi peu d’attention à ceux qui l’environnaient, que ceux-ci lui en accordaient. Natty restait aussi sur le tronc d’arbre qu’il avait pris pour siège, la tête appuyée sur une de ses mains, tandis que l’autre reposait sur son fusil négligemment placé en travers sur ses genoux. Sa physionomie exprimait l’inquiétude, et les regards qu’il avait jetés de temps en temps autour de lui pendant le service annonçaient clairement qu’il existait une cause secrète qui le mettait mal à l’aise. Il demeurait ainsi par respect pour le vieux chef qu’il attendait et à qui il montrait en toute occasion la plus grande déférence, quoique avec un mélange de l’humeur brusque d’un chasseur.

Le jeune compagnon de ces deux anciens habitants de la forêt était debout devant une des cheminées, probablement parce qu’il ne voulait pas se retirer sans ses deux amis.

Il ne restait plus dans la salle que ces trois individus, avec le ministre et sa fille, quand le juge en fut sorti avec sa compagnie. John Mohican, se levant alors, laissa tomber sur ses épaules la couverture qui était appuyée sur sa tête, secoua les cheveux noirs qui la couvraient pour les rejeter en arrière, et s’approcha de M. Grant en présentant la main :

— Père, lui dit-il d’un air grave et solennel, je vous remercie. Les paroles que vous avez prononcées depuis que la lune s’est levée ont monté en haut, et le Grand-Esprit en a été satisfait. Vos enfants se souviendront de ce que vous leur avez dit, et ils deviendront bons. Il cessa un instant de parler, se redressa, et puis ajouta en prenant l’air de grandeur d’un chef indien :

— Si Chingachgook va jamais rejoindre sa nation du côté du soleil couchant, et que le Grand-Esprit lui fasse traverser les lacs et les montagnes avec le souffle de vie, il rapportera à ses compagnons ce qu’il vient d’entendre, et ses compagnons le croiront ; car qui peut dire que Chingachgook ait jamais menti ?

— Que Chingachgook mette sa confiance dans la bonté divine, dit M. Grant, à qui la fierté du vieux chef semblait un peu hété-