Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/29

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CHAPITRE II.


Tous les lieux que visite l’œil du ciel sont, pour un sage, des ports heureux et des baies sûres : ne dites pas que c’est le roi qui vous a banni, mais que c’est vous qui avez banni le roi.
Shakespeare. Richard II.



Environ cent vingt ans avant l’époque à laquelle se rattache le commencement de notre histoire, un des ancêtres de Marmaduke Temple était venu s’établir en Pensylvanie, à la suite de l’illustre fondateur de cette colonie[1], dont il était l’ami et dont il partageait les opinions religieuses. L’ancien Marmaduke (car ce prénom formidable semble avoir été adopté par toute sa race) avait réalisé, en partant d’Angleterre, une fortune assez considérable. Il devint propriétaire, en Amérique, de plusieurs milliers d’acres de territoire inhabité qu’il fallait mettre en valeur, et il eut à pourvoir aux besoins d’un grand nombre d’émigrants qui ne comptaient que sur lui pour exister. Après avoir vécu, respecté pour sa piété, revêtu des premiers emplois de l’établissement, et dans l’abondance de toutes les bonnes choses de ce monde, il s’endormit du sommeil des justes, précisément assez à temps pour ne pas s’apercevoir qu’il mourait pauvre ; sort partagé par la plupart de ceux qui transportèrent ainsi leur fortune dans ces nouvelles colonies.

L’importance d’un émigrant dans ces provinces se mesurait généralement par le nombre de personnes blanches qui étaient à son service, par celui des nègres qu’il occupait, et par la nature des emplois qui lui étaient confiés ; on doit en conclure que celle dont jouissait le personnage dont nous venons de parler était assez considérable.

C’est une remarque assez curieuse à faire, qu’à très-peu d’exceptions près, tous ceux qui sont arrivés opulents dans nos colonies sont tombés peu à peu dans la misère, tandis que ceux qui

  1. William Penn.