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Aussi non seulement ses jugements ne manquaient-ils jamais d’être d’accord avec la justice, mais il pouvait même rendre compte de leurs motifs, ce que nous voudrions qu’on pût dire de tous les juges. Au surplus, tel était alors l’usage invariable dans tous les nouveaux établissements ; et l’on y confiait les charges de la magistrature aux propriétaires qui réunissaient à la fortune une réputation intacte, des connaissances générales et de l’activité. Aussi le juge Temple, bien loin d’être placé au dernier rang des juges des nouveaux comtés, en était universellement reconnu comme l’un des meilleurs.

Nous terminerons ici cette courte explication sur l’histoire et le caractère de quelques uns de nos principaux personnages, et, leur laissant désormais le soin de se peindre par leurs discours et leurs actions, nous reprendrons le fil interrompu de notre histoire.


CHAPITRE III.


Tout ce que tu vois est l’œuvre de la nature elle-même : ces rochers qui élancent dans l’air leurs fronts parés de mousse comme les hauteurs crénelées des anciens temps ; ces vénérables troncs qui balancent lentement leurs branches abandonnées au souffle des vents d’hiver, ce champ de frimas qui brille au soleil, et le dispute en blancheur au un sein de marbre : et cependant l’homme ose profaner de tels ouvrages avec son goût grossier, semblable à celui qui ose souiller la réputation d’une vierge[1].
Duo.



Dès que les chevaux attelés au sleigh se furent remis en marche, Marmaduke commença à examiner son nouveau compagnon

  1. Voici l’imitation en vers de ce morceau de poésie américaine :

    De tous ces monuments la puissante nature
    A créé de ses mains la vaste architecture ;
    Admire ces rochers couronnés de créneaux,
    Tels que les sombres tours des antiques châteaux !
    Vois ces chênes noueux dont l’auguste feuillage
    Comme un temple sacré disposait son ombrage.
    Mais l’hiver à son leur a voulu de ses dons
    De ces rois dépouillés parer les nobles troncs ;
    Quand des pâles reflets de sa rare lumière
    Le soleil vient soudain frapper leur cime altière,
    On dirait qu’un palais pour le dieu de l’hiver,
    De ses mille piliers embellit le désert.
    Faut-il que es mortels la coupable présence
    De ces lieux consacrés profane le silence ?