Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/86

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Combien de fois ai-je percé un dollar d’une balle à cent pas de distance ?

— Tu as manqué plus de dollars que tu n’en as attrapé, Dick, s’écria le Juge, qui commençait à reprendre son enjouement. Mais je vois sur le visage de Remarquable que le souper est servi. Monsieur Le Quoi, ma fille a une main à votre service. Voulez-vous nous montrer le chemin, mon enfant ?

— Ma chère demoiselle, dit le Français en lui présentant la main avec politesse, je suis trop heureux en ce moment. C’est une consolation pour un banni que d’obtenir un sourire de la beauté.

Toute la compagnie entra dans une salle à manger qui communiquait au salon, à l’exception de M. Grant, qui resta un moment avec le vieil Indien, et de Benjamin, qui attendait que tout le monde fût sorti pour fermer les portes.

— John, dit le ministre, c’est demain la fête de la Nativité de notre bienheureux Rédempteur. L’église appelle ses enfants à des prières et à des actions de grâces. Puisque vous vous êtes converti à la croix, j’espère que je vous verrai prosterné devant l’autel, et que vous y viendrez avec un cœur contrit et humilié.

— John y viendra, répondit le vieux chef.

— Fort bien, reprit M. Grant en lui appuyant la main sur l’épaule ; mais il ne suffit pas de vous y trouver de corps, il faut y être en esprit et en vérité. Le Rédempteur est mort pour tous les hommes, pour l’Indien comme pour le blanc, et il n’y a pas de distinction de couleur dans le ciel. Il est bon d’assister aux prières et aux cérémonies de l’Église ; mais le plus important, c’est d’y apporter un cœur bien disposé, plein de dévotion et d’humilité.

L’Indien fit un pas en arrière, et se redressant autant qu’il le put, il étendit et leva son bras droit ; puis, dirigeant son doigt de manière à montrer le ciel, et frappant de la main gauche sur son sein, il dit :

— L’œil du Grand-Esprit voit du haut des nuages. — Le sein de Mohican lui est ouvert.

— Fort bien, John, dit le ministre. J’espère que vous trouverez du plaisir et de la consolation à accomplir vos devoirs. Le Grand-Esprit n’oublie aucun de ses enfants. L’homme qui vit dans les bois est l’objet de son affection aussi bien que celui qui habite un palais. Je vous souhaite le bonsoir, John, et que Dieu vous accorde sa bénédiction !