Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/12

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par le génie de Wolfe. Dans toutes les parties du globe les armes anglaises étaient triomphantes. Les fidèles colons étaient les plus ardens dans leur enthousiasme et les premiers à faire éclater leur joie, semblant ne pas faire attention à la faible part de gloire qu’un peuple puissant cède, et ne cède encore qu’avec répugnance, à ceux qui dépendent de lui, comme si l’amour de la gloire, de même que l’avarice, augmentait à mesure qu’on a plus de moyens de le satisfaire.

Le système d’oppression et de tyrannie qui hâta une séparation tôt ou tard inévitable n’avait pas encore été mis en pratique. La mère-patrie, à défaut de justice, montrait au moins de la complaisance. Comme toutes les anciennes et puissantes nations, elle s’abandonnait au plaisir flatteur, mais dangereux, de s’admirer elle-même. Les qualités et les services d’une race qui était regardée comme inférieure furent cependant bientôt oubliés, ou, si elle s’en souvint, ce fut pour les blâmer en les présentant sous un faux jour. Le mécontentement produit par les discordes civiles envenima le mal, et il en résulta des injustices plus frappantes, comme s’il régnait un esprit de vertige. Des hommes qui, d’après leur expérience, auraient dû être mieux au fait, ne rougirent point de manifester jusque dans l’assemblée suprême de la nation l’ignorance, complète où ils étaient du caractère d’un peuple avec lequel ils avaient mêlé leur sang. L’amour-propre donna du crédit à ces opinions insensées. Ce fut sous l’influence de cette fatale présomption qu’on entendit des vétérans dégrader leur noble profession par des forfanteries que l’on n’eût pas tolérées dans la bouche d’un officier de salon ; ce fut sous cette même influence que Burgoyne fit dans la chambre des communes cette mémorable promesse de marcher de Québec à Boston avec une force qu’il jugeait à propos de nommer ; promesse qu’il accomplit ensuite en traversant ce même territoire avec un nombre double de compagnons de captivité ; ce fut enfin sous cette fatale influence que, depuis, l’Angleterre sacrifia follement cent mille hommes et prodigua cent millions de trésors.

L’histoire de cette mémorable lutte est connue de tout Américain. Heureux de savoir que son pays a triomphé, il se contente d’en laisser le glorieux résultat prendre sa place dans les pages de l’histoire. Il voit que l’empire de sa patrie s’appuie sur des bases larges et naturelles, qui n’ont point besoin de l’appui des plumes vénales ; et heureusement pour la paix de sa conscience