Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/14

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le soir qui approchait ne les entraînât dans des dépenses qui n’étaient pas regardées comme indispensables pour exprimer les sentimens du jour. En un mot, l’heure des excès était passée, et chacun retournait au simple cours de ses occupations ordinaires, avec un empressement et une discrétion qui prouvaient qu’il n’oubliait pas totalement le temps qu’il avait perdu à manifester des sentimens qu’il paraissait déjà presque disposé à regarder comme étant un peu de surérogation.

Le bruit du marteau, de la hache et de la scie recommençait dans la ville. Les fenêtres de plus d’une boutique étaient à demi-ouvertes, comme si le propriétaire avait fait une sorte de compromis entre ses intérêts et sa conscience ; on pouvait voir les maîtres des trois seules auberges de la ville assis devant leurs portes, regardant les paysans qui se retiraient, d’un air qui annonçait évidemment qu’ils cherchaient des pratiques au milieu d’un peuple qui a toujours été plus disposé à vendre qu’à acheter. Quelques matelots bruyans et désœuvrés, attachés aux vaisseaux du port, et un petit nombre d’habitués des cabarets, furent cependant l’unique conquête que purent faire tous leurs gestes d’amitié, toutes leurs questions sur la santé des femmes et des enfans, et même les invitations, quelquefois directes, faites aux passans de venir boire et se reposer.

Les soins de ce monde, auxquels venait se mêler la pensée constante, mains quelquefois un peu détournée de l’avenir, étaient ce qui occupait le plus et ce qui formait le trait distinctif du peuple qui habitait alors ce que l’on appelait les provinces de la Nouvelle-Angleterre. La grande affaire du jour n’était cependant pas oubliée, quoique l’on crût inutile d’en discuter les détails dans l’oisiveté ou le verre à la main. Les voyageurs, le long des différentes routes qui conduisaient dans l’intérieur de l’île, se formaient en petits groupes, où les résultats politiques du grand événement national qu’ils venaient de célébrer, et la manière dont ils avaient été traités par les différens individus choisis pour jouer le premier rôle dans les cérémonies du jour, étaient examinés librement, quoique néanmoins avec une grande déférence pour la réputation établie des personnages distingués les plus intéressés dans la question. Il était généralement reconnu que le sermon, qu’on aurait pu appeler historique, était aussi soigné qu’édifiant ; et, en somme, quoique cette opinion trouvât une contradiction modérée chez quelques cliens d’un avocat opposé à l’orateur, on con-