Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/58

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tion charmante rappelle tout ce qu’il y a de plus beau et de plus sublime !

Le léger sourire inaperçu qui dérida le front de la gouvernante aurait pu trahir la réflexion secrète qu’elle faisait alors, que le défunt amiral avait dû avoir l’esprit de malice et de plaisanterie de l’état, lorsque, dans cet instant, un léger bruit qui ressemblait assez au murmure du vent, mais qui dans le fond n’était autre que des éclats de rire étouffés, partit de l’étage supérieur de la tour. Les mots « c’est charmant, » allaient sortir des lèvres de la jeune Gertrude, qui sentait toute la beauté du tableau que sa tante avait essayé de tracer, sans s’arrêter à en critiquer les détails ; mais tout à coup la voix lui manqua, et son attitude annonçait une attention profondément excitée.

— N’avez-vous rien entendu ? s’écria-t-elle.

— Les rats n’ont pas encore tout-à-fait déserté le moulin, répondit froidement la gouvernante.

— Le moulin ! ma chère Mrs Wyllys ; voulez-vous persister à appeler ces ruines pittoresques un moulin ?

— Je sens tout le tort que ce nom fatal doit faire à ses charmes, surtout pour des yeux de dix-huit ans ; mais, en conscience, je ne puis lui donner un autre nom.

— Les ruines ne sont pas assez abondantes dans ce pays, ma chère gouvernante, reprit Gertrude en riant, tandis que ses yeux étincelans prouvaient l’intérêt qu’elle mettait à défendre son opinion favorite, pour que nous soyons en droit de les dépouiller, sans des preuves certaines, du peu de droits qu’elles peuvent avoir à notre vénération.

— Eh bien ! le pays n’en est que plus heureux ! Les ruines, dans une contrée, sont comme la plupart des signes de décrépitude qui se manifestent sur le corps humain, de tristes preuves d’excès et de passions en tout genre, qui ont hâté les ravages du temps. Ces provinces sont comme vous, ma Gertrude, dans leur fraîcheur et leur jeunesse, et comparativement aussi dans leur innocence. Espérons pour l’une et pour l’autre ; une longue, utile et heureuse existence.

— Grand merci pour moi et pour mon pays ! mais cependant je ne puis admettre que ces ruines pittoresques aient été un moulin.

— Qu’elles soient ce que vous voudrez, voilà long-temps qu’elles occupent cette place, et, selon toute apparence, elles y reste-