Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/17

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et donnèrent au pays qu’ils choisirent une réputation d’intelligence et de grandeur morale qu’il a noblement conservée jusqu’à nos jours.

La nature de la guerre civile d’Angleterre avait enrôlé bien des hommes d’une piété sincère et profonde dans la profession des armes. Quelques-uns d’entre eux s’étaient retirés dans les colonies avant la crise des troubles de la mère-patrie ; d’autres s’embarquèrent pendant le cours de ces discordes civiles jusqu’à la restauration. À cette époque une foule de ceux qui étaient mécontents de la maison de Stuart vinrent chercher aussi la sécurité dans ces possessions lointaines.

Un soldat sombre et fanatique, nommé Heathcote, fut, parmi les émigrants de la première classe, un de ceux qui mirent de côté l’épée pour se charger des instruments nécessaires à l’industrie d’un pays nouveau. Jusqu’à quel point la possession d’une jeune femme influa-t-elle sur cette détermination, nous ne chercherons point à l’établir, quoique les traditions de l’histoire, que nous allons raconter, donnent lieu de supposer qu’il pensa que la tranquillité de son intérieur ne serait pas moins assurée dans les déserts du Nouveau-Monde que parmi les compagnons auxquels son premier état l’aurait certainement lié.

Ainsi que lui, sa femme était issue d’une de ces familles qui tirent leur origine de ces franklins[1] du temps des Édouard et des Henry, devenus possesseurs de terres héréditaires, lesquelles, par l’augmentation graduelle de leur valeur, les avaient élevés an rang de gentillâtres campagnards. Dans la plupart des autres États de l’Europe, ils auraient été rangés dans la classe de la petite noblesse. Le bonheur domestique du capitaine Heathcote reçut un coup fatal d’un événement qui semblait devoir l’augmenter. Le jour même de son débarquement sur la terre de l’exil si longtemps désirée, sa femme le rendit père d’un garçon dont la naissance lui coûta la vie. Plus âgé de vingt ans que sa femme, qui avait suivi sa fortune dans ces régions étrangères, l’ancien soldat avait toujours supposé que, suivant l’ordre naturel des choses, il paierait le premier sa dette à la nature. Le capitaine Heathcote, qui avait une foi vive à un monde meilleur, n’en entrevoyait la perspective qu’après une suite de jours heureux dans celui-ci. Mais si les calamités peuvent ajouter encore à la tris-

  1. Propriétaires des terres libres.