Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/19

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lui et les personnes de sa maison pussent honorer Dieu comme il leur semblait le plus convenable, cette nouvelle fut reçue avec un sentiment de tristesse mêlée d’effroi. Le zèle et l’esprit de secte furent momentanément oubliés pour faire place au respect et à l’attachement que le capitaine avait inspirés à son insu par l’égalité de son caractère, la sévérité de ses principes et ses pratiques religieuses. Les anciens de l’établissement s’expliquèrent franchement et charitablement avec lui, mais la voix de la conciliation se faisait entendre trop tard. Il écouta les raisonnements des ministres qui s’étaient rassemblés des diverses paroisses, dans un morne respect ; il se joignit à eux dans les prières qui furent faites à cette occasion pour demander les lumières et l’inspiration du ciel, avec la même ferveur qu’il portait toujours aux pieds du Tout-Puissant ; mais il le fit avec une disposition intérieure où entrait une fierté trop grande et une résolution trop positive pour ouvrir son cœur à cette sympathie et à cette charité qui caractérisent la morale si douce de l’Évangile, et qui devraient être l’étude de ceux qui font profession de suivre ses préceptes. Tout ce qui était de pure forme, tout ce qui était d’habitude fut observé, mais le dessein de l’obstiné sectaire resta inébranlable. Sa déclaration finale est digne d’être rapportée :

— Ma jeunesse fut perdue dans l’irréligion et l’ignorance, dit-il, mais dans mon âge mûr j’ai connu le Seigneur. Pendant près de quarante ans j’ai cherché la vérité ; ce temps s’est passé à alimenter mes lampes, de crainte de ressembler aux vierges folles de l’Écriture, et de ne point être préparé lorsque je serai appelé. Maintenant que mes reins sont ceints et que ma course est à moitié finie, deviendrai-je un apostat, falsifierai-je la parole de Dieu ? J’ai beaucoup souffert, vous le savez, en quittant la maison terrestre de mes pères ; j’ai affronté les dangers de la mer pour la foi ; et plutôt que de l’abandonner, je livrerai aux périls des déserts mon bien-être, mon enfant, et, si c’est le vœu de la Providence, mon existence elle-même.

Le jour du départ fut un jour de chagrin sincère et universel. Malgré l’austérité du caractère du vieux capitaine et la sévérité de son regard, sa charité avait démenti sa dureté apparente, et il avait semé autour de lui des bienfaits qu’il était impossible de mal interpréter. Le canton qu’il habitait n’a jamais passé pour fertile, et il n’y avait peut-être pas un des jeunes débutants dans cette culture ingrate qui n’eût à citer quelque secours généreux