Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/45

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fication quelconque ne dépassait le mur jaloux. Enfin la voix du vieillard parut s’élever davantage ; alors Content quitta son siège, et d’un geste invita chacun à suivre son exemple. Les serviteurs mirent de côté leurs légères occupations ; les jeunes filles quittèrent leur rouet qui ne tournait plus depuis quelques minutes ; et chacun, dans une attitude simple et décente, se disposa à la prière. Pour la troisième fois dans cette soirée la voix du Puritain fut entendue, s’adressant avec ferveur à cet être sur lequel il avait l’habitude de se reposer de tous ses soins terrestres. Mais, bien qu’accoutumés depuis longtemps à toutes les formes particulières par lesquelles leur père exprimait ordinairement ses pieuses émotions, ni Content, ni sa femme attentive, ne furent capables de deviner la nature du sentiment qui dominait le vieillard. Quelquefois ils croyaient entendre le langage des actions de grâce ; souvent aussi c’était celui de la supplication ; enfin les accents étaient assez variés, et, quoique tranquilles, assez équivoques, si un terme semblable peut être appliqué à un sujet aussi sérieux, pour déjouer toute espèce de conjecture.

Il s’écoula plusieurs instants après que la voix eût entièrement cessé de se faire entendre, et cependant aucun signal n’était donné à la famille inquiète, aucun son ne sortait de l’appartement, qui eût pu encourager le fils respectueux à rentrer. Enfin la crainte vint se mêler aux conjectures ; et le mari et la femme se concertèrent tout bas ensemble. Les pressentiments et les doutes du premier se manifestèrent bientôt d’une manière plus apparente. Il se leva et traversa l’appartement, s’approchant peu à peu de la cloison qui séparait les deux chambres, prêt à se retirer des limites où son oreille pouvait comprendre, au moment où il découvrirait que son inquiétude était sans fondement. Aucun son ne se fit entendre. Le silence qui régnait, il y avait si peu de temps, dans l’appartement où se trouvait Content semblait s’être subitement communiqué dans le lieu où il essayait en vain de saisir la plus légère preuve d’existence humaine. Il retourna de nouveau près de Ruth, et ils se consultèrent une seconde fois à voix basse sur ce qu’exigeait d’eux le devoir filial.

— On ne nous a point ordonné de nous retirer, dit à Content sa douce compagne ; pourquoi ne pas rejoindre notre père, maintenant qu’il a eu le temps de se soustraire à ce qui trouble si visiblement son esprit ?

Content céda enfin à cette opinion. Avec la prudente précau-