Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/427

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et je ne conçois rien qui réponde à la dignité de ce grand ouvrage, qui nous vient d’assurer l’Océan par la prise de cette fameuse retraite de corsaires. Tous nos havres en étoient comme assiégés ; il n’en pouvoit échapper un vaisseau qu’à la merci de leurs brigandages ; et nous en avons vu souvent de pillés à la vue des mêmes ports dont ils venoient de faire voile : et maintenant, par la conquête d’une seule ville, je vois, d’un côté, nos mers libres, nos côtes affranchies, notre commerce rétabli, la racine de nos maux publics coupée ; d’autre côté, la Flandre ouverte, l’embouchure de ses rivières captive, la porte de son secours fermée, la source de son abondance en notre pouvoir ; et ce que je vois n’est rien encore au prix de ce que je prévois sitôt que Votre Altesse y reportera la terreur de ses armes. Dispensez-moi donc, Monseigneur, de profaner des effets si merveilleux et des attentes si hautes par la bassesse de mes idées et par l’impuissance de mes expressions ; et trouvez bon que demeurant dans un respectueux silence, je n’ajoute rien ici qu’une protestation très-inviolable d’être toute ma vie,

MONSEIGNEUR,
De Votre Altesse,
Le très-humble, très-obéissant
et très-passionné serviteur,
Corneille.

    le 26 décembre 1646. — Nous n’avons pas besoin de rappeler que les divers exploits rappelés plus haut étaient tous de date récente : la bataille de Rocroi, du 19 mai 1643 ; la prise de Thionville, du 10 août de la même année ; la prise de Philippsbourg, du 9 septembre 1644 ; la victoire de Nordlingen, du 3 août 1645.