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a8 DISCOURS

par un simple changement de volonté, mais par un évé- nement qui en fournisse Toccasion. Autrement il n'y auroit pas grand artifice au dénouement d'une pièce, si, après l'avoir soutenue durant quatre actes sur l'autorité d'un père qui n'approuve point les inclinations amou- reuses de son fils ou de sa fille, il y consentoit tout d'un coup au cinquième, par cette seule raison que c'est le cinquième, et que l'auteur n'oseroit en faire six. Il faut un effet considérable qui l'y oblige, comme si l'amant de sa fille lui sauvoit la vie en quelque rencontre oii il fût prêt d'être assassiné par ses ennemis, ou que par quelque accident inespéré, il fût reconnu pour être de plus grande condition, et mieux dans la fortune qu'il ne paroissoit.

Comme il est nécessaire que l'action soit complète, il faut aussi n'ajouter rien au delà, parce que quand l'effet est arrivé, l'auditeur ne souhaite plus rien et s'ennuie de tout le reste. Ainsi les sentiments de joie qu'ont deux amants qui se voient réunis après de longues traverses doivent être bien courts ; et je ne sais pas quelle grâce a eue chez les Athéniens la contestation de Ménélas et de Teucer pour la sépulture d'Ajax, que Sophocle fait mou- rir au quatrième acte ; mais je sais bien que de notre temps la dispute du même Ajax et d'Ulysse pour les armes d'Achille après sa mort, lassa fort les oreilles, bien qu'elle partit d'une bonne main'. Je ne puis dé- guiser même que j'ai peine encore à comprendre com- ment on a pu souffrir le cinquième de Mélite et de la Veuve. On n'y voit les premiers acteurs que réunis en- semble, et ils n'y ont plus d'intérêt qu'à savoir les au- teurs de la fausseté ou de la violence qui les a séparés.

��I. Corneille fait allusion à la tragédie do. Benscradc intitulée : La Mort d' Achille et la Dispute de ses armes, rcprésontéo en i636 et pu- bliée l'année suivante par Antoine de Sommavillc.

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