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DU POEME DRAMATIQUE. 87

peuvent être raisonnables, s'il ne croit avoir afiFaire à une âme assez intéressée pour déférer tout à Téclat des ri- chesses, ou à l'ambition du rang.

La qualité de semblables, qu'Aristote demande aux mœurs, regarde particulièrement les personnes que l'his- toire ou la fable nous fait connoître, et qu'il faut toujours peindre telles que nous les y trouvons. C'est ce que veut dire Horace par ce vers :

Sit Medea ferox invictaqueK . . .

Qui peindroit Ulysse en grand guerrier, ou Achille en grand discoureur, ou Médée en femme fort soumise, s'exposeroil à la risée publique. Ainsi ces deux qualités, dont quelques interprètes ont beaucoup de peine à trou- ver la difiérence qu'Aristote veut qui soit entre elles sans la désigner, s'accorderont aisément, pourvu qu'on les sépare, et qu'on donne celle de convenables aux per- sonnes imaginées, qui n'ont jamais eu d'être que dans l'esprit du poëte, en réservant l'autre pour celles qui sont connues par l'histoire ou par la fable, comme je le viens de dire.

Il reste à parler de l'égalité, qui nous oblige à conser- ver jusqu'à la fin à nos personnages les mœurs que nous leur avons données au commencement :

Servetar ad iiniim Qnalis ah incepio processeril, et sibi constet^.

L'inégalité y peut toutefois entrer sans défaut, non- seulement quand nous introduisons des personnes d'un

1. Horace, Art poétique, v. laS. — Il s'est ici glissé une singu- lière faute d'impression dans l'édition de 1660 :

Sit Medea ferox indomptaque. . . .

2. Horace, Arl poétique, y. 126, 127.

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