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DISCOURS DE LA TRArTÉDlE. 53

de paTler de ce qu'il a dit, avant que de faire effort pour deviner ce qu'il a voulu dire. Les maximes qu'il établit pour l'un pourront nous conduire à quelques conjectures pour l'autre, et sur la certitude de ce qui nous demeure nous pourrons fonder une opinion probable de ce qui n'est point venu jusqu'à' nous.

Nous avons pitié, dit-il, de ceux que nous voyons souffrir un malheur qu'ils ne méritent pas, et nous crai- gnons qu'il ne nous en arrive un pareil, quand nous le voyons souffrir à nos semblables-. Ainsi la pitié embrasse l'intérêt de, la personne que nous voyons souffrir, la crainte qui la suit regarde la nôtre, et ce passage seul nous donne assez d'ouverture pour trouver la manière dont se fait la purgation des passions dans la tragédie. La pitié d'un malheur où nous voyons tomber nos sem- blables nous porte à la crainte d'un pareil pour nous ; cette crainte, au désir de l'éviter ; et ce désir, à purger, modérer, rectifier, et même déraciner en nous la pas- sion qui plonge à nos yeux dans ce malheur les per- sonnes que nous plaignons, par cette raison commune, mais naturelle et indubitable, que pour éviter l'effet il faut retrancher la cause. Cette explication ne plaira pas à ceux qui s'attachent aux commentateurs de ce philo- sophe. Ils se gênent sur ce passage, et s'accordent si peu l'un avec l'autre, que Paul Beni^ marque jusqu'à *^ douze ou quinze opinions diverses, qu'il réfute avant que de nous donner la sienne. Elle est conforme à celle-ci pour

��I. Var. (édit. de i663 et de i66d) : jusques à. 3. 'EXeo; ix£v Tuep' tov àvâÇtov, cpdSo; oÈ nepi tov o|J-otov. (Aristole, Poétique, chap. xiii, a.)

3. Paul Béni, littérateur et critique italien, né dans l'île de Candie au milieu du seizième siècle, auteur d'un commentaire sur la Poé- tique d'Aristote, publié à Padoue en i6i3, et à Venise en 1023.

4. \'ar. (édit de i66o-i66/i) : jusques à.

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