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76 DISCOURS

leur et à plus forte raison à sa croyance ; mais aussi doit-on m'accorder que nous avons du moins autant de foi pour l'apparition des anges et des saints que les an- ciens en avoient pour celle' de leur Apollon et de leur Mercure : cependant qu'auroit-on dit, si pour démêler Héraclius d'avec Martian, après la mort de Phocas, je me fusse servi d'un ange? Ce poëme est entre des chré- tiens, et cette apparition y auroit eu autant de justesse que celle^des Dieux de l'antiquité dans ceux des Grecs ; c'eût été néanmoins un secret infaillible de rendre celui-là ridicule, et il ne faut qu'avoir un peu de sens commun pour en demeurer d'accord. Qu'on me permette donc de dire avec Tacite : Non omnia apud priores meliora, sed nosfra quocjue setas multa laiidis et ardum imitanda pos- te ris iulit^.

Je reviens aux tragédies de cette seconde espèce, où l'on ne connoît un père ou un fils qu'après l'avoir fait périr ; et pour conclure en deux mots après cette di- gression, je ne condamnerai jamais personne pour en avoir inventé ; mais je ne me le permettrai jamais.

Celles de la troisième espèce ne reçoivent aucune dif- ficulté : non-seulement on les peut inventer, puisque tout y est vraisemblable et suit le train commun des affec- tions naturelles, mais je doute même si ce ne seroit point les bannir du théâtre que d'obliger les poètes à en prendre les sujets dans l'histoire. Nous n'en voyons point de cette nature chez les Grecs, qui n'aycnt la mine d'avoir été in- ventés par leurs auteurs. Il se peut faire que la fable leur en aye prêté quelques-uns. Je n'ai pas les yeux assez pé-

1. Var. (édit. rie i6fi3) : celles.

2. Var. (édit. do 1660-1668): celles.

3. iVcc omnia (Annales, liv. III, chapitre lv.) — « Tout no fut

pas mieux autrefois ; notre siècle aussi a produit des vertus et des talents dignes d'ôlre un jour proposés pour modèles. »

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