Page:Corneille - Marty-Laveaux 1910 tome 1.djvu/220

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servent de matière aux tragédies sanglantes par l’appui qu’ils ont de l’histoire ou de l’opinion commune, et qui ne se peuvent tirer en exemple que pour les épisodes de la pièce dont ils font le corps, parce qu’ils ne sont pas croyables à moins que d’avoir cet appui. Aristote donne deux idées ou exemples généraux de ce vraisemblable extraordinaire : l’un d’un homme subtil et adroit qui se trouve trompé par un moins subtil que lui ; l’autre d’un foible qui se bat contre un plus fort que lui et en demeure victorieux, ce qui surtout ne manque jamais à être bien reçu quand la cause du plus simple ou du plus foible est la plus équitable’. Il semble alors que la justice du ciel ait présidé au succès, qui trouve d’ailleurs une croyance d’autant plus facile qu’il répond aux souhaits de l’auditoire, qui s’intéresse toujours pour ceux dont le procédé est le meilleur. Ainsi la victoire du Cid contre le Comte se trouveroit dans la vraisemblance extraordinaire, quand elle ne seroit pas vraie. // est vraisemblable, dit notre docteur, <pie beaucoup de choses arrivent contre le vraisemblable-; et puisqu’il avoue par là que ces effets extraordinaires arrivent contre la vraisemblance, j’aime- rois mieux les nommer simplement croyables, et les ranger sous le nécessaire, attendu qu’on ne s’en doit jamais servir sans nécessité.

On peut m’objecter que le même philosophe dit qu’au regard de la poésie on doit préférer l’impossible croyable au possible incroyable ^ et conclure de là que j’ai peu de raison d’exiger du vraisemblable, [)ar la définition que j’en ai faite, qu’il soit manifestement possible pour être

I. Voyez Aristote, Poétique, chap. xviii, 6.

3. E’.xo; yàp -/.ai Tzocpà. tô cîy.ôç ^EviiOai. (Aristote, Pnél.iqur. chapitre XXV, i’^; voyez aussi chap. xviii, 6.)

3. I FpoatoEîTOa^ T£ Ssî otoûvaTa e’.y.oTK uàXXov t] ouvatà àîrtOava. (76;//. , cliaji. XXIV, lo.)