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ÉRASTE.


Vos mépris ne sont pas de grande conséquence,
Et ne vaudront jamais la peine que j'y pense ;
Sachant qu'il vous voyoit, je m'étois bien douté
Que je ne serois plus que fort mal écouté.


MÉLITE.


Sans que mes actions de plus près j'examine,
À la meilleure humeur je fais meilleure mine,
Et s'il m'osoit tenir de semblables discours,
Nous romprions ensemble avant qu'il fût deux jours.


ÉRASTE.


Si chaque objet nouveau de même vous engage,
Il changera bientôt d'humeur et de langage 112.
Caressé maintenant aussitôt qu'aperçu,
Qu'auroit-il à se plaindre, étant si bien reçu ?


MÉLITE.


Éraste, voyez-vous, trêve de jalousie ;
Purgez votre cerveau de cette frénésie ;
Laissez en liberté mes inclinations.
Qui vous a fait censeur de mes affections ?
Est-ce à votre chagrin que j'en dois rendre conte 113 ?


ÉRASTE.


Non, mais j'ai malgré moi pour vous un peu de honte
De ce qu'on dit partout du trop de privauté 114
Que déjà vous souffrez à sa témérité.


MÉLITE.


Ne soyez en souci que de ce qui vous touche.


ÉRASTE.


Le moyen, sans regret, de vous voir si farouche


112. Var. Il ne tardera guère à changer de langage. (1633-57)

113. Var. Vraiment, c'est bien à vous que j'en dois rendre conte m.
ér. Aussi j'ai seulement pour vous un peu de honte. (1633-57)

114. Var. Qu'on murmure partout du trop de privauté. (1633-60)

m. Voyez la note relative à la première variante de la page 150.