Page:Corneille - Marty-Laveaux 1910 tome 1.djvu/349

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Vous en relevez donc, et montrez aujourd’hui
Que vous êtes pour nous aveugles comme lui !
Vous en relevez donc, et vos ciseaux barbares
Tranchent comme il lui plaît les destins les plus rares !
Mais je m’en prends à vous, moi qui suis l’imposteur,
Moi qui suis de leurs maux le détestable auteur.
Hélas ! et falloit-il que ma supercherie
Tournât si lâchement tant d’amour en furie ?
Inutiles regrets, repentirs superflus,
Vous ne me rendez pas Mélite qui n’est plus ;
Vos mouvements tardifs ne la font pas revivre :
Elle a suivi Tircis, et moi je la veux suivre.
Il faut que de mon sang je lui fasse raison,
Et de ma jalousie, et de ma trahison,
Et que de ma main propre une âme si fidèle 295
Reçoive… Mais d’où vient que tout mon corps chancelle ?
Quel murmure confus ! et qu’entends-je hurler ?
Que de pointes de feu se perdent parmi l’air !
Les Dieux à mes forfaits ont dénoncé la guerre ;
Leur foudre décoché vient de fendre la terre.
Et pour leur obéir son sein me recevant



Contre une âme innocente allumer sa fureur ?
Falloit-il le forcer à dépeindre Mélite
Des infâmes couleurs d’une fille hypocrite ai ?
[Inutiles regrets, repentirs superflus.] (1633-57)

295. Var. Et que par ma main propre un juste sacrifice
De mon coupable chef venge mon artifice aj.
Avançons donc, allons sur cet aimable corps
Éprouver, s’il se peut, à la fois mille morts.
D’où vient qu’au premier pas je tremble, je chancelle ?
Mon pied, qui me dédit, contre moi se rebelle.
[Quel murmure confus ! et qu’entends-je hurler ?] (1633-57)

ai. Les quatre derniers vers, depuis : « Falloit-il, l’aveuglant, etc., » ne sont que dans l’édition de 1633.

aj. Ces deux vers, ainsi que les vers 1301 et 1302 du texte, manquent dans les éditions de 1644-57.