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XXXIV NOTICE BIOGRAPHIQUE

blement toucha encore plus Corneille : d'un éloge des plus enthousiastes parti de la plume de son cher Rotrou'. La ma- nière inattendue dont ces louanges sont amenées, dans une tragédie romaine, au moyen d'un étrange anachronisme, montre combien ce sincère ami avait recherché l'occasion d exprimer ses sentiments d admiration. Dans le Véritable Saint-Genest (acte I, scène v), le principal personnage est, comme l'on sait, un comédien qui devient chrétien et martyr. L empereur Dioclétien, après lui avoir prodigué des éloges mérités, l'interroge ainsi :

Mais passons aux auteurs, et dis-nous quel ouvrage Aujourd'hui dans la scène a le plus haut suffrage, Quelle plume est en règne, et quel fameux esprit S'est acquis dans le cirque un plus juste crédit.

A quoi Saint-Genest finit par répondre en faisant allusion à Cinna et à Pompée :

Nos plus nouveaux sujets, les plus dignes de Rome,

Et les plus grands efforts des veilles d'un grand homme,

A qui les rares fruits que la muse produit

Ont acquis dans la scène un légitime bruit.

Et de qui certes l'art comme l'eslime est juste.

Portent les noms fameux de Pompée et d'Auguste.

Ces poëmes sans prix où son illustre main

D'un pinceau sans pareil a peint l'esprit romain.

Rendront de leurs beautés votre oreille idolâtre,

Et sont aujourd'hui l'âme et l'amour du tliéâtre.

Nousinenlionnerons ici à sa date une lettre du i8 mai i646, où Corneille remercie \oyer d'Argenson d'un poème sacré qu'il vient de recevoir de lui en présent, et nous fait connaître son opinion sur les écrits de ce genre. Je « m'étois persuadé, dit-il dans un passage fort altéré par les premiers éditeurs, que d'autant plus que les passions pour Dieu sont plus élevées et plus justes que celles qu'on prend pour les créatures, d'au- tant plus un esprit qui en seroit bien touché pourroit faire des

I. Corneille disait un jour avec orgueil que « lui et Rotrou feroienl subsister des saltimbanques. » (^Menagiana, Paris, 171 5, tome III, p. 3oG.)

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