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ACTE V


Scène première


Lysandre.

Indiscrète vengeance, imprudentes chaleurs,
Dont l’impuissance ajoute un comble à mes malheurs,
Ne me conseillez plus la mort de ce faussaire.
J’aime encor Célidée, et n’ose lui déplaire :
Priver de la clarté ce qu’elle aime le mieux,
Ce n’est pas le moyen d’agréer à ses yeux.
L’amour, en la perdant, me retient en balance ;
Il produit ma fureur et rompt sa violence,
Et me laissant trahi, confus et méprisé,
Ne veut que triompher de mon cœur divisé.
Amour, cruel auteur de ma longue misère,
Ou permets à la fin d’agir à ma colère,
Ou, sans m’embarrasser d’inutiles transports,
Auprès de ce bel oeil fais tes derniers efforts ;
Viens, accompagne-moi chez ma belle inhumaine,
Et comme de mon cœur, triomphe de sa haine !
Contre toi ma vengeance a mis les armes bas,
Contre ses cruautés rends les mêmes combats ;
Exerce ta puissance à fléchir la farouche ;
Montre-toi dans mes yeux, et parle par ma bouche :
Si tu te sens trop faible, appelle à ton secours
Le souvenir de mille et de mille heureux jours
Où ses désirs, d’accord avec mon espérance,