Page:Corneille Théâtre Hémon tome1.djvu/380

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Je puis en faire cas, je puis l'aimer sans honte.
Que ne fera-t-il point, s’il peut vaincre le comte?
J’ose m’imaginer qu’à ses moindres exploits 535
Les royaumes entiers tomberont sous ses lois ;
Et mon amour flatteur déjà me persuade
Que je le vois assis au trône de Grenade.
Les Maures subjugués trembler en l’adorant,
L’Aragon recevoir ce nouveau conquérant, 540
Le Portugal se rendre, et ses nobles journées
Porter delà les mers ses hautes destinées.
Du sang des Africains arroser ses lauriers;
Enfin, tout ce qu’on dit des plus fameux guerriers,
Je l’attends de Rodrigue après cette victoire, 545
Et fais de son amour un sujet de ma gloire.

LÉONOa.

Mais, Madame, voyez où tous portez son bras,

las n’admettait dessous que comme adverbe, et dans ses derniers ouvrages Corneille l’emploie rarement dans l’acception condamnée.

541. Scudéry critique ce mot de journées pris en ce sens, et l’Académie le condamne expressément : « On ne dit point « les journées d’un homme » pour exprimer les combats qu’il a faits, mais on dit bien » la journée d’un tel lieu » pour dire la bataille qui s’y est donnée ». A ce compte, pourquoi l’Académie, au premier acte, dans la scène de la querelle, n’a-t-elle pas repris le vers où le comte déclare superbement que tous les exploits de Rodrigue ne valent pis une de ses journées? Ici comme là, jownée a le sens de bataille; ne dit-on pas : gagner une journée, perdre une joui-née? Dans ses Discours sur Tite-Live, Machiavel, cité par Lacurne, parle de ces « conflits champêtres que l’on nomme aujourd’hui journée, à la mode française, et que les italiens appellent faits d’armes. • Il semble donc qu’à l’origine ce mot ait signiQé moins bataille ran- gée que : conflit rapide et brillant, coup de main victorieux. On disait u grande journée» pour dire « grande bataille », mais la distinction n’a jamais été bien marquée, et elle a bientôt disparu. De nos jours encore, journée, dans le sens cornélien, n’a pas vieilli :

PrèreB I et vous aaisi vons avex yos journées. (V. Hdko, Chanl$ du erép.)

542. De là; nous dirions plutôt aujourd’hui par delà.

543. Var. Au milieu de l’Afrique arborer ses lauriers. (1637-56.)

L’Académie, approuvant Scudéry, avait dit : « Arborer ses lauriers est bien repris par l’Observateur, parce qu’on ne peut pas dire arborer un arbre ». « On ne ait point arborer un arbre, le mot arôorer ne se prenant que pour des chnses que l’on plante figurémenf en façon d’arbres, comme des étendards. » iMpiiage ) On trouvera, en effet, arborer pris en ce sens au vers 608. Mais Voltaire répond justement : << Arborer ne veut pas dire mettre des lauriers en teire pour le faire croître, planter des lauriers, mais, comme on coupait des branches de laurier en l’honneur des vainqieurs, c’était les arborer que de les porter en triomphe, le« montrer de loin, comme si c’étaient des arbres véritables. Ces figures ne sont elles pas permises dans la poésie? »

544. Var. Et faire ses sujets des plus braves guerriers. (1637 ln-12.)

547. Où vous portez son bras. « Cette façon de parler est si hardie qu’elle en