Page:Corneille Théâtre Hémon tome2.djvu/335

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Que tout doit succéder à mon contentement !
Ai-je bien entendu ? me l’as-tu dit, Fulvie?

FULVIE.

J’avais gagné sur lui qu’il aimerait la vie,
Et je vous l’amenais, plus traitable et plus doux, 127
Faire un second effort contre votre courroux.
Je m’en applaudissais, quand soudain Polyclète,
Des volontés d’Auguste ordinaire interprète.
Est venu l’aborder et sans suite et sans bruit,
Et de sa part sur l'heure au palais l’a conduit. 1280
Auguste est fort troublé, l’on ignore la cause ;
Chacun diversement soupçonne quelque chose;
Tous présument qu’il aye un grand sujet d’ennui.
Et qu’il mande Cinna pour prendre avis de lui.
Mais ce qui m’embarrasse, et que je viens d’apprendre, 1285
C’est que deux inconnus se sont saisis d’Evandre,
Qu’Euphorbe est arrêté sans qu’on sache pourquoi,
Que même de son maître on dit je ne sais quoi:
On lui veut imputer un désespoir funeste ;
On parle d’eaux, de Tibre, et l'on se tait du reste. 129U

AEMILIE.

Que de sujets de craindre et de désespérer,
Sans que mon triste cœur en daigne murmurer!
A chaque occasion le ciel y fait descendre
Un sentiment contraire à celui qu’il doit prendre :
Une vaine frayeur tantôt ma pu troubler, 1295
Et je suis insensible alors qu’il faut trembler.
Je vous entends, grands dieux ! vos bontés que j’adore

1Ï72. Succéder, réussir ; latinisme très fréquent au ivn" siècle.

Mes efforts redoublés pourront mieux succéder. (Pompée, 1236.) Vous me croirez bientôt, puisque tout tous succède.

(Rotrou, Celiméne, V, ni.)

Cette agréable feinte heureusement succède. (Id., Célianc, V, vi.) Bien ne peut succéder à des cœurs engourdis. (Id., Filandre, I, n.) 1874. Mais j’ai sur lui gagné qu’il ne me verra plus. {Polyextcte, II, iv.)

1283. Sur la forme aye pour ait, voyez la note du v. 1260. Nous mettrions aujourd’hui l’indicatif qu’il a ; dans re.si propositions subordonnées, l’usage autorisait jadis l’emploi du subjonctif, surtout après le verbe croire et ses synonymes.

12no. « Qu’est-ce que le reste? » demande Voltaire. Ce reste, c’est la cause du désespoir de Masimc. « Mme de Sévigné, dit M. Marty-Laveaux, cite, comme une sorte de locution proverbiale, soit ce vers tout entier, soit le second hémistiche, pour parler d’événements qui ne sont connus qu’on partie. » 11 est permis de juger d’ailleurs, avec Palissot, que ces derniers vers sont négligés dans la forme; mais peut-être sont-ils vagues à dessein : car Fulvie a dû apprendre fort peu de chose, si elle ignore la passion de Maxime, et, si elle la connaît, elle n’en peut rien dire à Emilie