Page:Corneille Théâtre Hémon tome3.djvu/495

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Quoi ! cette ardeur s’éteint ! l’un et l’autre soupire !

J’avais su le prévoir, j’avais su le prédire... 4040

ANTIOCHUS.

Princesse...

RODOGUNE.

Il n’est plus temps, le mot en est lâché : Quand j’ai voulu me taire, en vain je l’ai tâché. Appelez ce devoir haine, rigueur, colère : Pour giigner Rodogune il faut venger un père; Je me donne à ce prix; osez me mériter, 4040

��1040. t Si elle a su le préyoir, comment s’expose-t-elle à toute l’horreur qu’elle mérite qu’on ait pour elle? » Voltaire, qui pose cette question, y ré- pond plus loin : » Les hommes les moins instruits sentent trop que toutes ces préparations si forcées, si peu naturelles, sont l’échafaud préparé pour établir le cinquième acte. Cependant l’auteur a voulu qu’Antiochus pût balancer entre sa mère et sa maîtresse quand elles s’accuseront l’une et l’autre d’un parricide et d’un empoisonnement; mais il était impossible qu’Antiochus fût raisonna- blement indécis entre ces deux prince-ses, si elles n’avaient paru également coupabl-S dans le cours de la pièce. » Elles ne sont pas tout à fait « égale- ment coupables » ; car Rodogune, provoquée par Cléopâtre, n’a fait que lui riposter. Mais Corneille n’a-t-il voulu que justifier l’incertitude d’Autiochus et amener ainsi un beau dénouement? Voyez l’Introduction sur les vraies inten- tions de Rodogune.

1041. Adieu: ce mot lâché me fait rougir de honte {Cid, v. 1551).

I II semble que cette exclamation affreuse eij méditée lui soit échappée dans le feu de la conversation; cependant, elle a préparé avec beaucoup d’artifice la proposition révoltante qu’elle fait. » Rien de plus finement observé ; com- ment se fait-il donc que Voltaire ait ailleurs si mal compris le caractère et la situation de Rodogune?

104-2. Tâcher, pris activement, est d’un usage assez rare; Corneille employait d’ordinaire tâcher à.

1043. « On voit trop, dit Voltaire, que colère n’est là que pour rimer, t Ce mot a en effet perdu de son énergie; mais Voltaire lui-même écrit, dans son comn:entaire de Cinn-’ : « En poésie, coléri- peut signifier indignation, res- sentiment, souvenir des injures, désir de vengeance. »

1044. Gagner, dans le sens de conquérir :

Rodrigue t’a gagnée, et tu dois être à lui,

(Cid, V. 1815)

1045. « Le trône est à ce prix », a dit Cléopâtre, que Rodogune semble parfois répéter, et qu’elle imite trop. « La plus grande faute peut-être dans cette pièce, dit Voltaire, est que tout y est ajusté au théâtre d’une manière peu vraisemblable, et quelquefois contradictoire ; car il est contradictoire que cet ambassadeur Oronte soit instruit de l’amour des deux frères, et que Rodogune ne le sache pas. Il n’est guère possible qu’Antiochus aime une mère parricide; et c’est une chose trop forcée que Cléopâtre demande la tête de Rodogune et Rodogune la tête de Cléopâtre, dans la même heure et aux mêmes personnes, d’autant plus que ce meurtre horrible n’est nécessaire ni à l’une ni à lautre ; toutes deux même, en faisant cette proposition, risquent beaucoup plus qu’elle» le peuvent espérer. » Sur la critique de fond, voyez l’Introduction, où l’opinion contraire de Saint-Évremond est citée; nous remarquerons seulement ici que Voltaire a décidément oublié la première scène de l’acte III, sans parler de la cinquième scène de l’acte premier, où Rodogune et Laonice s’entretiennent de l’amour des deux princes. 11 est donc faux de dire qu’Oronte «n soit instruit avant Rodogune