Page:Cournot - Essai sur les fondements de nos connaissances.djvu/120

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intellectuelles de l’homme ont pour fin et pour résultat de l’instruire et non de le tromper ; de sorte que la perception et le jugement erronés doivent être considérés comme les suites d’un trouble accidentel des facultés et des fonctions. Ceci repose sur une théorie qui ne peut être exposée avec les développements convenables sans le secours du calcul, mais dont nous voulons au moins indiquer ici les principes, pour ne rien négliger de ce qui a trait aussi essentiellement à notre sujet. Afin de fixer les idées par un exemple, supposons qu’un observateur dont l’attention s’est toujours portée sur l’état du ciel, soit dans l’habitude de pronostiquer, à chaque coucher du Soleil, le temps qu’il fera le jour suivant ; si l’on tenait registre de ses pronostics pendant un temps suffisamment long, le rapport entre le nombre des pronostics contredits par l’événement et le nombre total des pronostics donnerait, sans erreur sensible, et par voie purement expérimentale, la mesure de la chance d’erreur qui affecte le jugement de l’observateur dans les circonstances indiquées. Il n’y aurait aucune limite à la précision de cette mesure expérimentale, si l’on pouvait prolonger indéfiniment l’expérience, et si d’ailleurs l’observateur ne gagnait ni ne perdait en perspicacité dans le cours de l’expérience, comme il faut le supposer d’abord pour plus de simplicité. Après une première série d’épreuves, qui aurait donné la mesure de la chance d’erreur avec une précision suffisante, si l’on en recommençait une autre, toujours dans les mêmes conditions, on trouverait sensiblement le même rapport entre le nombre des pronostics démentis par l’événement et le nombre total des pronostics ; la grandeur des nombres amenant sensiblement, dans chaque série d’épreuves, la compensation des effets dus à des causes irrégulièrement variables d’une épreuve à l’autre, pour ne laisser subsister que les effets des causes régulières et permanentes, ou de celles qui régissent solidairement toute la série des épreuves.

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Concevons maintenant que deux observateurs fassent leurs pronostics simultanément, mais à l’insu l’un de l’autre, et qu’on en tienne registre : la chance d’erreur pourra être très-différente pour les deux observateurs ; mais (toujours dans le but de raisonner sur les cas les plus