Page:Cournot - Essai sur les fondements de nos connaissances.djvu/122

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ou bien : chance d’erreur, quatre cinquièmes ; chance de vérité, un cinquième, on saura que le premier système est seul admissible, et l’on rejettera le second. C’est ainsi que l’on conçoit la possibilité de déterminer empiriquement une chance d’erreur, non plus par l’observation directe, comme dans le cas où l’on possède un critère de vérité (tel que celui qui résulterait, dans notre exemple, de la comparaison des pronostics avec les événements subséquents), mais par voie indirecte et à l’aide de relations fournies par le calcul, toutes les fois qu’un pareil critère n’existe pas. Ainsi, quand un médecin prescrit un traitement à son malade, on ne saurait tirer de l’événement un critère infaillible de la vérité ou de l’erreur du jugement du médecin ; car il peut se faire que le malade succombe, quoique le traitement prescrit soit le meilleur, ou au contraire qu’il guérisse malgré les vices du traitement. À supposer donc que deux médecins soient appelés séparément en consultation pour une nombreuse série de cas pathologiques, il n’y aura aucun moyen de déterminer directement, pour chacun d’eux, la chance d’un jugement erroné ; mais le registre des consultations fera connaître combien de fois les deux médecins sont tombés d’accord et combien de fois ils ont porté des jugements contradictoires : ce qui permet de concevoir, d’après les explications données plus haut, comment on pourrait parvenir à déterminer ces chances indirectement et sans ambiguïté, si l’on était d’ailleurs fondé à croire (comme on l’est sans doute) que les études professionnelles du médecin, sans le rendre infaillible, l’inclinent plutôt à la vérité qu’à l’erreur, et qu’il vaut mieux, en général, consulter le médecin que de remettre aux dés le sort du malade.

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Dans les questions qui sont du ressort du calcul, et même dans toutes les questions auxquelles on veut appliquer une logique sévère, il faut commencer par des cas hypothétiques, abstraits, qui servent ensuite à aborder graduellement des cas plus complexes et plus rapprochés de la réalité des applications. C’est ainsi que nous avons procédé dans la question présente. En réalité, les chances d’erreur varient d’une personne à l’autre, et, même, en général, pour chaque