Page:Cournot - Essai sur les fondements de nos connaissances.djvu/146

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et suprême en vertu duquel elle fait la critique de ses principes constitutifs, et de toutes les autres facultés humaines, pas plus qu’elle n’élève de doute sérieux sur les axiomes mathématiques. Seulement, ce qui est bien différent, il est de la nature de ce principe régulateur de ne fournir que des inductions probables, d’une probabilité qui parfois exclut tout doute raisonnable, et nullement des démonstrations rigoureuses, comme celles que l’on déduit des axiomes mathématiques. Il y a loin de cette organisation hiérarchique au pêle-mêle de la philosophie écossaise, qui se pique de multiplier plutôt que de réduire le nombre des vérités premières, et pour qui l’appel au sens commun (cette manière de procéder si commode) dispenserait de contrôler les dépositions des sens, de la mémoire, de l’imagination (que pourtant Jouffroy soumet au contrôle de la raison), aussi bien que les principes mêmes de la raison, dont on veut que le contrôle ne soit point possible. Il n’y a pas moins de différence, comme la suite le montrera, entre la théorie que nous essayons d’exposer et celle de Kant, qui non-seulement soutient qu’on ne peut conclure valablement des lois de la raison humaine à la vérité absolue, en quoi il serait pleinement dans son droit, mais qui de plus rejette systématiquement tout ce qui n’est que probable et non rigoureusement ou formellement démontré ; et qui par là est amené à imputer à la constitution de l’esprit humain, nonobstant les analogies et les inductions les plus pressantes, tout ce que nous sommes portés, avec raison, à regarder comme appartenant à la nature des objets extérieurs de nos perceptions.