Page:Cournot - Essai sur les fondements de nos connaissances.djvu/179

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ainsi qu’on l’a expliqué, tout ce qui pourrait ne pas s’y trouver, sans que la connaissance fût nécessairement arrêtée dans sa marche vulgaire ou dans ses progrès scientifiques, il restera l’idée ou la pure connaissance de l’objet. Si nous prenons au contraire la sensation complexe, l’idée avec ses accessoires, ou plutôt avec son support sensible, nous aurons ce qu’on peut appeler, par opposition, l’image de l’objet. À ne consulter que l’étymologie, idée et image seraient des mots équivalents empruntés, l’un au grec, l’autre au latin ; mais, parce que le premier n’a passé que plus tard dans notre propre langue, et qu’il est même resté longtemps confiné dans le vocabulaire philosophique, l’usage, en variant les acceptions de l’un et de l’autre terme, a toujours rattaché le premier à des fonctions intellectuelles d’un ordre plus élevé. Suivant l’étymologie, les mots idée, image, ne devraient non plus s’appliquer qu’aux impressions reçues par le sens de la vue et aux réminiscences de ces impressions. On transporterait, pour ainsi dire, dans le cerveau ou dans l’esprit le tableau qui vient se peindre sur la rétine quand l’œil est ouvert aux rayons lumineux. C’est là sans doute un moyen bien grossier de se rendre compte de la perception des objets visibles et de leur représentation dans l’esprit ; mais il n’y en a pas qui s’offre plus naturellement, et en recourant à cette métaphore, l’homme ne fait qu’obéir à la loi qui l’oblige à fixer par des signes ou par des comparaisons sensibles toutes les notions purement intelligibles. Si le mot image et ses dérivés n’avaient jamais été détournés de cette acception originelle, la faculté d’imaginer serait inséparable de celle de percevoir les couleurs ; il n’y aurait pas d’images pour les aveugles-nés ; il n’y aurait d’images dans les écrits des poètes que celles qui s’adressent aux yeux ou qui consistent dans la reproduction des impressions produites par des objets visibles. Les écrivains n’ont point observé cette distinction, et l’usage n’a pas tracé, dans le style familier ou littéraire, de démarcation rigoureuse entre les acceptions des deux termes idée et image. Généralement on emploie celui-ci pour désigner des perceptions venues plus immédiatement des sens ; et l’autre, pour désigner celles qui ont exigé un concours plus actif des forces propres de l’esprit. Les traits d’une personne qui m’est chère, le son de sa voix sont des