Page:Cournot - Essai sur les fondements de nos connaissances.djvu/188

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le corps est placé et les modifications qu’on lui fait subir. Par la même raison, telle propriété sera réputée tenir de plus près à ce qu’il y a de fondamental et d’essentiel dans la nature du corps, ou s’en éloigner davantage, suivant qu’elle offrira plus de persistance ou d’instabilité. Par exemple, la substance que les chimistes modernes connaissent sous le nom de carbone, et qui s’offre à nous sous deux états si différents, à l’état de diamant et à l’état de charbon produit par la combustion des matières végétales ou animales, jouit sous ces deux états d’une grande fixité ; c’est-à-dire qu’il est, sinon absolument infusible et non volatil, du moins très-difficile à volatiliser et surtout à fondre sous l’action de la chaleur la plus intense : voilà une qualité plus persistante et que dès lors on réputera tenir de plus près aux propriétés fondamentales du carbone, que la diaphanéité ou la dureté du diamant, avec lesquelles contrastent d’une façon si étrange l’opacité et la friabilité du charbon. Enfin, ce même caractère de fixité ou d’infusibilité disparaissant dans les composés chimiques dont le carbone est l’un des éléments, ne doit pas avoir la même valeur fondamentale que d’autres propriétés des corps en général, ou du carbone en particulier, qui restent inaltérables à travers toute la série des combinaisons chimiques dans lesquelles les mêmes particules de carbone peuvent être successivement engagées. La minéralogie nous offrirait les exemples les plus variés de cette gradation des caractères. Ainsi la pierre calcaire ou (pour employer le nom scientifique) le carbonate de chaux nous présentera d’abord des variétés de structure terreuse, compacte, fibreuse, aciculaire, lamellaire, saccharine, oolithique, qui tiennent évidemment à des circonstances de formation tout à fait accessoires, et qui ne peuvent servir à caractériser nettement, ni cette substance à l’exclusion des autres, ni mêmes les échantillons de cette substance où s’observe souvent le passage d’une structure à l’autre. Que si l’on étudie au contraire les formes cristallines du carbonate de chaux, qui sont prodigieusement multipliées et qui caractérisent autant de variétés bien définies de la même espèce minérale, on en démêlera une (celle du spath d’Islande) dont les autres peuvent être considérées comme autant de dérivations ou de modifications secondaires, et que pour cette raison l’on nomme forme fondamentale