Page:Cournot - Essai sur les fondements de nos connaissances.djvu/232

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physiques seraient de même exactement définies. Un phénomène physiologique, ou même un phénomène psychologique pourrait, par sa durée, fournir un étalon du temps, s’il était susceptible de se reproduire indéfiniment, dans des circonstances parfaitement identiques, sans que la répétition modifiât les conditions du phénomène. On objectera peut-être que, si la raison pose a priori cette maxime générale, que la durée du même phénomène doit être la même, dans des circonstances parfaitement identiques, nous n’avons aucun moyen, dans les cas particuliers, de constater avec une certitude parfaite cette rigoureuse identité. Mais c’est encore ici qu’intervient un jugement de la raison, fondé sur des probabilités qui peuvent aller jusqu’à l’exclusion du doute. Lorsque les premiers astronomes ont comparé le mouvement diurne du Soleil à celui des étoiles, ils ont pu à la rigueur mettre en question si c’était la durée du jour solaire qui restait constante et celle du jour sidéral qui variait, ou inversement ; mais une foule d’inductions ont dû bientôt les amener à prendre pour terme constant la durée du jour sidéral, et lorsque ensuite on a vu toute la théorie des mouvements astronomiques s’enchaîner suivant des lois régulières, dans l’hypothèse de cette durée constante, tandis que l’hypothèse de la constance du jour solaire y porterait le trouble et le désordre, il n’a pas pu rester de doute sur l’hypothèse fondamentale de l’invariabilité du jour sidéral ; et bien avant même que les lois de la mécanique eussent donné la raison immédiate de l’invariabilité du mouvement de rotation de la terre dont la période coïncide avec celle du jour sidéral, on a dû régler tous les chronomètres sur le mouvement des étoiles, comme on règle tous les thermomètres sur le thermomètre à air (98), et par un motif analogue. Ainsi, de toute manière, la mesure du temps requiert l’intervention de principes rationnels ; elle tient à la notion de la raison et de l’ordre des choses ; tandis que la mesure directe de l’étendue tombe immédiatement sous les sens : circonstance digne d’attention et qui cadre bien avec la remarque déjà faite, que la connaissance du temps ne peut être que confuse et rudimentaire là où la faculté de percevoir l’ordre et la raison des choses n’existe pas ou n’existe qu’en germe.

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En tant qu’elles fournissent les matériaux d’une