Page:Cournot - Essai sur les fondements de nos connaissances.djvu/301

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continues, passe souvent du plaisir à la douleur, ou inversement de la douleur au plaisir, en traversant un état neutre (ce qui rappelle, à plusieurs égards, l’évanouissement de certaines grandeurs dans le passage du positif au négatif), on ne peut pas regarder l’état neutre comme résultant d’une somme algébrique ou d’une balance de plaisirs et de douleurs.

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Il est vrai que, par l’étude de l’anatomie et de la physiologie, nous parvenons à entrevoir comment la variation continue d’intensité, dans une sensation de douleur ou de plaisir, peut se lier à la variation continue de certaines grandeurs mesurables, et dépendre de la continuité inhérente à l’étendue et à la durée. Car nous reconnaissons que plus un cordon nerveux a de grosseur entre ceux de son espèce (en ne tenant compte, pour l’évaluation de sa section transversale, que de la somme des sections transversales des fibres nerveuses élémentaires, et non des tissus qui leur servent de protection et d’enveloppe), et plus la sensation douloureuse causée par le tiraillement du cordon acquiert d’intensité. Il y a une certaine intensité de douleur qui correspond à chaque valeur de l’aire de la section transversale du cordon, les autres circonstances restant les mêmes ; mais cette correspondance ou cette relation n’a rien de mathématique, puisque l’attribut de grandeur mesurable qui appartient à l’aire de la section transversale n’appartient pas à la sensation. Si l’on plonge la main dans un bain à quarante degrés, et qu’on l’y laisse un temps suffisant, on éprouve d’abord une sensation de chaleur brusque en apparence ; après quoi sans que le bain se refroidisse, la sensation va en s’affaiblissant graduellement et sans secousse, de manière à ce qu’on ne puisse assigner l’instant précis où elle prend fin. L’intensité de la sensation dépend, toutes circonstances égales d’ailleurs, du temps écoulé depuis l’instant de l’immersion ; et la continuité dans l’écoulement du temps rend suffisamment raison de la continuité dans la variation d’intensité de la sensation produite ; mais cette sensation n’est pas pour cela une grandeur mesurable que l’on puisse rapporter à une unité et exprimer numériquement. Puisque la vitesse de vibration d’un corps sonore ou celle