Page:Cournot - Essai sur les fondements de nos connaissances.djvu/305

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le compte des vérités ou des erreurs que contient le portrait. Une carte géographique est une espèce de portrait ; et cependant il arrive journellement aux géographes de relever et de compter les erreurs d’une carte : c’est que leur attention se porte alors exclusivement sur un certain nombre de points remarquables, susceptibles d’une détermination exacte, au moins dans les limites de précision que nos mesures et nos observations comportent. Ces points sont relevés ou oubliés ; ils sont ou ils ne sont pas à la juste place que de bonnes observations leur assignent ; il y a lieu, en ce qui les concerne, à un dénombrement de vérités et d’erreurs. Mais quant aux traits continus par lesquels ces points de repère peuvent être reliés, et qui servent à peindre le cours des rivières, les sinuosités des côtes, la configuration des montagnes, on approche plus ou moins de la ressemblance, sans qu’on puisse, pas plus pour ce genre de portrait que pour tout autre, songer à faire le compte et la balance arithmétique des erreurs et des vérités. Dans le souvenir que j’ai gardé d’un air de musique, je puis prendre une note pour une autre, un fa naturel pour un fa dièze ; et si j’exécute l’air sur un instrument à sons fixes, tel que le piano, je commettrai une faute ou une erreur, parce qu’il n’y a pas de nuances entre deux touches consécutives du clavier ; mais, qu’un artiste veuille imiter le jeu d’un de ses rivaux sur le violon ou sur le cor, on pourra trouver l’imitation plus ou moins fidèle ; on dira qu’il y a de la vérité dans cette espèce d’image perçue par l’oreille, ou qu’il manque de vérité ; on ne songera pas à y compter des vérités et des erreurs.

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La vérité d’un portrait, la ressemblance d’une image à son type, admet des variations progressives et soumises à la loi de continuité dans leur progression, mais ce n’est point pour cela quelque chose de mesurable ; il n’y a pas de mètre pour cette espèce de vérité qu’on nomme proprement ressemblance. Réduisons l’analyse à des termes plus simples et plus géométriques. Si, pour donner l’image d’une ellipse, je trace une autre ellipse dans laquelle il y ait entre le grand et le petit axe le même rapport que dans la première, la ressemblance ou (pour employer dans ce cas le mot technique des géomètres) la similitude sera parfaite.