Page:Cournot - Essai sur les fondements de nos connaissances.djvu/56

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passer par le centre de la sphère. En conséquence, on admet l’impossibilité physique que la sphère ne prenne pas un mouvement de rotation sur elle-même en même temps qu’un mouvement de translation. Si l’impulsion était communiquée par un être intelligent, qui visât à ce résultat, mais avec des sens et des organes d’une perfection bornée, il serait encore physiquement impossible qu’il en vînt à bout : car, quelle que fût son adresse, la direction de la force impulsive serait subordonnée, entre de certaines limites d’écart, à des causes indépendantes de sa volonté et de son intelligence ; et, pour peu que la direction dévie du centre de la sphère, le mouvement de rotation doit se produire. On expliquerait de la même manière l’impossibilité physique, admise par tout le monde, de mettre un cône pesant en équilibre sur sa pointe, quoique l’équilibre soit mathématiquement possible, et l’on ferait des raisonnements analogues dans tous les cas cités.

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Ainsi qu’on vient de l’expliquer, l’événement physiquement impossible (celui qui de fait n’arrive pas, et sur l’apparition duquel il serait déraisonnable de compter tant qu’on n’embrasse qu’un nombre fini d’épreuves ou d’essais, c’est-à-dire tant qu’on reste dans les conditions de la pratique et de l’expérience possible) est l’événement qu’on peut assimiler à l’extraction d’une boule blanche par un agent aveugle, quand l’urne renferme une seule boule blanche pour une infinité de boules noires ; en d’autres termes, c’est l’événement qui n’a qu’une chance favorable pour une infinité de chances contraires. Mais on a donné le nom de probabilité mathématique à la fraction qui exprime le rapport entre le nombre des chances favorables à un événement et le nombre total des chances : en conséquence, on peut dire plus brièvement, dans le langage reçu des géomètres, que l’événement physiquement impossible est celui dont la probabilité mathématique est infiniment petite, ou tombe au-dessous de toute fraction, si petite qu’on la suppose. On peut dire aussi que l’événement physiquement certain est l’événement dont le contraire est physiquement impossible, ou l’événement dont la probabilité mathématique ne diffère de l’unité par aucune fraction assignable, si petite qu’on la suppose : événement qu’il ne faut pourtant pas confondre avec celui qui réunit absolument toutes les combinaisons ou toutes les chances en sa