Page:Cournot - Essai sur les fondements de nos connaissances.djvu/65

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ou quatre termes pris consécutivement dans la série des nombres carrés, tels que 25, 36, 49, 64 ; ou bien encore ils pourraient appartenir à l’une des séries des nombres qu’on appelle cubiques, triangulaires, pyramidaux, etc. Il y a plus (et ceci est bien important à noter) : les algébristes n’ont pas de peine à démontrer qu’on peut toujours assigner une loi mathématique, et même une infinité de lois mathématiques différentes les unes des autres, qui lient entre elles les valeurs successivement amenées, quel qu’en soit le nombre, et quelques inégalités que présente au premier coup d’œil le tableau de ces valeurs consécutives. Si pourtant la loi mathématique à laquelle il faut recourir pour lier entre eux les nombres observés était d’une expression de plus en plus compliquée, il deviendrait de moins en moins probable, en l’absence de tout autre indice, que la succession de ces nombres n’est pas l’effet du hasard, c’est-à-dire du concours de causes indépendantes, dont chacune aurait amené chaque observation particulière ; tandis que, lorsque la loi nous frappe par sa simplicité, il nous répugne d’admettre que les valeurs particulières soient sans liaison entre elles, et que le hasard ait donné lieu au rapprochement observé.

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Mais en quoi consiste précisément la simplicité d’une loi ? Comment comparer et échelonner sous ce rapport les lois infiniment variées que l’esprit est capable de concevoir, et auxquelles, lorsqu’il s’agit de nombres, il est possible d’assigner une expression mathématique ? Telle loi peut paraître plus simple qu’une autre à certains égards, et moins simple lorsqu’on les envisage toutes deux d’un point de vue différent. Dans l’expression de l’une n’entreront qu’un moindre nombre de termes ou de signes d’opération ; mais d’un autre côté ces opérations seront d’un ordre plus élevé, et ainsi de suite. Pour que l’on pût réduire à la probabilité mathématique la probabilité fondée sur le caractère de simplicité que présente une loi observée, entre tant d’autres qui auraient pu se présenter aussi bien si la loi prétendue n’était qu’un fait résultant de la combinaison fortuite de causes sans liaison entre elles, il faudrait premièrement qu’on fût à même de faire deux catégories tranchées, l’une des lois réputées simples,