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ANTOINE HERŒT


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Heroet nous a laissé un poëme intitulé : la Parfaicte amye ; une Complainte d’une dame nouvellement surprime d’amour ; une Épître au roy François Ier ; deux traductions de Platon, l’une intitulée : l’Androgyne ; l’autre : De n’aymer point sans estre aymé,

Platon domine visiblement toute sa pensée. Notre poëte est son vrai disciple, tel qu’on peut le supposer sous un climat plus froid et avec un cœur pétri par le christianisme ; il nous fournit en un mot un mélange charmant de catholicisme et de platonisme.

Amoureux réfléchi, un peu didactique, mais énergique, avec sa gravité doublée de passion, avec son cœur ardent et son style froid, il représente l’amour poétique de cette période. Il fait contraste avec l’amour de l’école de Louis XII, où le cœur et le style sont glacés, et aussi avec l’amour de la Pléiade, où l’âme et la phrase sont brûlantes. Placé entre le Moyen-Age et la Renaissance, il nous indique ce que pouvait produire dans une intelligence ouverte l’union des tendances chrétiennes avec les influences païennes. Un peu auparavant le christianisme l’emportait complètement, un peu plus tard il va être momentanément éclipsé ; lui, nous montre les instincts du Moyen-Age au moment où ce Moyen-Age, ne résistant plus, mais non encore tout à fait vaincu, se trouve dans une position analogue à celle d’un peuple envahi qui, pour avoir la paix, marie ses filles avec les fils des envahisseurs. Heroet nous enseigne comment le cœur subissait la loi des vieilles traditions amoureuses, tandis que l’intelligence se courbait sous la domination de la philosophie nouvelle.

Il possède, on le voit, une position singulière et une physionomie caractérisée. Si je comprends bien son rôle dans son temps, il était