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TABOUROT
SEIGNEUR DES ACCORDS


1549 — 1590



À l’imitation du citoyen des républiques antiques, le bourgeois et le gentilhomme français du xvie siècle étaient, suivant les occasions, soldat, orateur, écrivain, poëte ou magistrat. La perfection de l’art y perdait quelquefois, mais l’activité et l’intelligence de l’homme y gagnaient toujours.

« Je loue certainement, disait Tabourot, ceux qui, à la façon des Allemans, peuvent contenir à n’embrasser qu’une seule profession, mais il ne faut pas aussi blasmer ceux qui, ayant l’esprit capable d’en manier diverses, les sçavent si bien exercer, qu’en chasque espèce ils ne devront rien ou peu de reste à chacun des particuliers qui s’addonnent à une. L’on sçait assez que l’esprit du François est plein de vivacité et variété, que c’est malgré luy, si on l’attache à une science seule[1]. »

Dans la France du xvie siècle, la société lettrée et savante, la société partageant le pain de la vraie vie, celle de l’intelligence, n’était pas seulement à Paris, comme aujourd’hui, mais on la trouvait représentée dans chaque province, dans chaque ville, sur chaque point de ce vieux et fertile sol gaulois, où germait notre France.

Si, le jeudi après Quasimodo, dernier jour du mois d’avril de l’an 1579, sur l’heure de midi, vous vous étiez trouvé, au fond de la Bourgogne, égaré jusque dans la petite ville de Verdun, le flot des curieux oisifs et des paysans affairés et plaideurs vous eût porté vers l’auditoire de la halle où le juge du lieu tenait alors les jours du bailliage et de la châtellenie. Là, vos regards se fussent bientôt arrêtés sur ce magistrat, car, à part les lignes plus accentuées de son nez aquilin, sa physionomie expressive, son œil vif, son large front de penseur, vous eussent remis en mémoire la figure de l’auteur de Pantagruel. Cette ressem-

  1. 4e liv. des Bigarrures ; au lecteur.